Articles

Gen Z : et si on écoutait les jeunes…

Publié le 31 octobre 2025
Partager
Gen-Z-et-si-on-ecoutait-les-jeunes…
Partager

Dans plusieurs pays du Sud, Maroc, Népal, Madagascar, Pérou, les jeunes sont descendus dans la rue pour demander des comptes au pouvoir et rappeler à leurs aînés qu’ils existent. Dans nos démocraties occidentales le malaise de cette jeunesse reflète aussi le manque de considération qu’elle ressent dans les politiques conduites par leurs aînés.

Gen Z. C’est le signe de ralliement de millions de jeunes qui ont manifesté contre les pouvoirs en place dans différents pays. En Asie d’abord : Sri Lanka, Philippines, Indonésie, Timor, Bangladesh, Népal, où le nom a été inventé. Dans ce pays, la jeunesse a même provoqué la chute du gouvernement. Puis le mouvement s’est étendu en Afrique, au Kenya, à Madagascar et surtout au Maroc en ce mois d’octobre où les manifestants ont ajouté à Gen Z le numéro 212, indicatif téléphonique du pays. Leur mobilisation a contraint le gouvernement à des réformes.

Plusieurs rassemblements ont été émaillés de confrontations violentes avec les forces de l’ordre et parfois, hélas, de drames, comme à Agadir le 10 octobre où un jeune photographiant la manifestation a été tué par un tir de grenade et deux autres sont décédées dans des mouvements de foule.

Au Pérou, les jeunes ont rejoint sous leur bannière « Gen Z » des défilés plus classiques initiés par des organisations syndicales et des partis politiques qui ont contraint la présidente à démissionner. Pour se démarquer et s’identifier, ils utilisent partout le salut aux 3 doigts centraux de la main du « Geai Moqueur » de la saga Hunger Games incarné par l’actrice Jennifer Lawrence, icône de la génération, avec Emma Watson, Thimothée Chalamet et quelques rappeurs.

Dans la frise des générations établie par les chercheurs en sciences sociales et validée par… le marketing, la génération Z désigne les natifs de 1997 à 2010. Soit en 2025, les 15-28 ans. Caractéristique majeure : c’est la première génération 100% numérisée. Les manifestants de ces pays l’ont d’ailleurs démontré : la mobilisation est passée par les boucles téléphoniques, le réseau social TikTok et les plateformes numériques, notamment Discord. Pas par la presse ou des assemblées générales. D’où sa rapidité, son côté générationnel et une expansion massive sur le territoire de ces pays. Au Maroc, contrairement aux Printemps arabes des années 2010 qui ne s’étaient pas propagés au royaume chérifien, la contestation ne s’est pas limitée à la capitale et aux universités.

Cette génération réclame ce qui lui est dû : les besoins essentiels pour se nourrir correctement, se loger dignement, être soigné gratuitement, exercer un travail épanouissant et qui a du sens.

Sans commandement centralisé, sans porte-parole désigné, sans références politiques ni doctrine économique, cette génération réclame ce qui lui est dû : les besoins essentiels pour se nourrir correctement, se loger dignement, être soigné gratuitement, exercer un travail épanouissant et qui a du sens. Ils le disent parfois en deux mots : «  OK Boomers ». « Une colère pragmatique, pas idéologique » constate dans Le Monde la chercheure Cécile Van de Velde.

Au Maroc, 36% des 18-30 ans pointent au chômage. «  Des hôpitaux et des écoles plutôt que des stades » clamaient-ils dans les rues.

Pourtant fans de foot et eux-mêmes pratiquants, ils ont dénoncé le coût de construction de nouveaux stades pour accueillir la Coupe du Monde en 2030 après le décès de six femmes lors d’accouchements à la maternité vétuste d’Agadir où il manque du personnel compétent et du matériel adéquat. Ils ne comprennent pas que leur pays soit capable de construire deux lignes à grande vitesse en un temps record et ne parvienne pas à leur garantir des études abordables et de qualité. Contrairement aux attentes du gouvernement marocain, le patriotisme sportif et la fierté que procure la reconnaissance internationale du pays ne dissimulent pas la revendication de justice sociale. « Soyons lucides : les succès économiques du pays ne retombent pas sur la jeunesse alors qu’ils enrichissent des privilégiés. C’est fini l’époque où le pain, le foot et le Coran suffisaient à tenir les peuples. Avec cette génération, on doit revoir le logiciel car leur exigence est légitime » souligne un proche du Palais à Rabat.

Le phénomène peut-il s’étendre démocraties occidentales ? Pour Cécile Van de Velde «  la comparaison est difficile car au Maroc, la génération Z représente 25% de la population, dans certains pays d’Asie 30%. Dans les pays européens au mieux 15% et cela pose un autre problème : l’ascension professionnelle va prendre davantage de temps et le poids politique est moindre ». Mais le malaise est là sous diverses formes : problèmes de santé mentale, instabilité professionnelle, enfermement sur les écrans. Il a été accentué par la crise sanitaire. Tout simplement, les « Gen Z » éprouvent la sensation qu’ils ne vivront pas aussi bien que ses aînés et surtout que leurs parents dans un monde moins solidaire et exposé à davantage de risque.

Les managers qui les jugent «  ingérables et pas assez motivés au travail », les intellectuels qui moquent leur culture « Insta-rap-manga », leurs approximations orthographiques ou leur méconnaissance de l’histoire (elle a été rabotée dans les programmes scolaires !) se trompent lourdement. Leur message est clair : ils demandent à ceux qui détiennent les leviers du pouvoir dans l’entreprise, dans les affaires publiques, dans les médias de les respecter et de leur construire un monde plus solidaire. De rompre avec un certain égoïsme. C’est un devoir urgent pour tous d’écouter la Gen Z.

L’équipe de La République en Commun