Washington et Moscou préparent un cessez-le-feu en échange de la cession de territoires par l’Ukraine. Si l’Europe reste en marge, elle consentira à une paix inégalitaire et renoncera aux principes mêmes qui fondent sa sécurité.
Depuis 2022, les Ukrainiens subissent une guerre totale et pour certains une occupation durable : les forces russes contrôlent près de 20 % du territoire ukrainien, englobant la Crimée, le Donbass, ou encore de larges portions de Kherson et de Zaporizhzhia.
Malgré les pertes massives estimées à plus d’un million de militaires tués, blessés ou portés disparus depuis 2022, l’armée russe continue de progresser face à des soldats ukrainiens épuisés. Chaque kilomètre concédé par l’Ukraine est synonyme de coûts humains importants : selon les derniers bilans, le nombre de déplacés ukrainiens s’élève à près de 9,5 millions sur une population de 40 millions.
Face à ce désastre, prétextant avec un certain cynisme « la volonté de sauver des vies », Moscou et Washington négocient entre eux. Ils figent la carte sur les positions actuelles des troupes de Moscou, entérinant le statu quo territorial, sans aucune intention de restaurer la souveraineté ukrainienne, mais bien au contraire de sanctuariser un recul stratégique, au profit de l’agresseur.
Pis, l’accord proposé veut imposer des limitations lourdes sur la capacité de défense de l’Ukraine : réduction des armements de longue portée, zones démilitarisées, retraits de troupes sur des lignes stratégiques, retrait de l’aviation… Ces contraintes affaibliraient le potentiel de défense de Kiev pendant des années, fragilisera sa sécurité et rendra ses gouvernements dépendants d’autres puissances.
Ce scénario, s’il aboutit, aura des conséquences dramatiques. Pour l’Ukraine, cela signifierait une reconnaissance tacite de pertes territoriales, sans doute irréversible : comme en Crimée, Moscou ne manquerait pas d’installer des « colons » ou de déplacer des Russophones dans ces contrées. Pour l’Europe, un accord serait synonyme d’une paix décidée par d’autres sur son propre continent, un nouvel affaiblissement de sa crédibilité en plus d’une zone tampon instable à ses frontières. Enfin, pour l’ordre international, cela légitimerait une annexion par la force, et affaiblirait le droit international et le principe de souveraineté nationale.
Par son histoire, ses valeurs, sa proximité géographique, l’Europe ne peut accepter ce recul. A distance, ses responsables tentent, difficilement, de peser dans les négociations et de faire en sorte que ce prétendu cessez-le-feu ne se transforme en capitulation masquée. La mise à l’écart de l’UE sonne comme une humiliation et une confirmation de la distance de son allié historique américain encore plus grande que lors du premier mandat Trump.
Pourtant, l’Europe unie a le devoir de ne plus transiger, de refuser catégoriquement toute reconnaissance des gains territoriaux acquis par la force, de mettre en place un mécanisme international de sanctions à l’égard de la Russie, puis de lancer un plan de reconstruction et de relance économique pour l’Ukraine.
La paix doit revenir avec dignité, justice, sans remettre en cause la souveraineté de l’Ukraine sur son territoire. L’Europe doit retrouver la voix qu’elle n’aurait jamais dû perdre, et la faire entendre fortement. Ne pas abandonner l’Ukraine, c’est un devoir.
L’équipe de La République en Commun