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Trump : le populisme économique vacille déjà

Publié le 08 septembre 2025
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Trump : le populisme économique vacille déjà
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Le chômage remonte aux Etats-Unis à un niveau jamais atteint et approche même 10% chez les jeunes. Trump misait sur les droits de douane, le patriotisme des consommateurs et la fermeture des frontières. Or, la consommation chute, les Américains n’investissent pas et le bâtiment manque de main d’œuvre, ce qui fait chuter le marché de l’emploi.

« Les États-Unis n’ont quasiment pas créé d’emplois au cours des quatre derniers mois. Cela touche aussi bien les cadres que les ouvriers»… Heather Long, économiste dans un organisme de crédit aussi prestigieux que populaire aux  Etats-Unis, cible directement Donald Trump, chiffres à l’appui : 36 000 emplois nouveaux en quatre mois alors qu’il en faudrait 140 000 pour équilibrer la balance du marché de travail sur le deuxième quadrimestre. Très loin des 76 000 nouveaux emplois mensuels promis par le président élu en novembre 2024. Au mois d’août, traditionnellement propice aux recrutements, le solde positif se limite à 22 000 emplois au lieu des 60 000 attendus.

Le taux de chômage est passé depuis mai de 4% à 4,3%, soit 7,4 millions de chômeurs, niveau jamais atteint depuis la crise financière de 2008. Chez les 19-26 ans, le taux s’envole à 9,5%.

En juin, l’économie américaine a même perdu 13 000 postes de travail, une première depuis le Covid. Réaction de Trump : il a licencié la responsable du service des statistiques, l’accusant de ne pas comptabiliser correctement tous les nouveaux emplois et d’être à la solde de Joe Biden, qui l’avait nommée. Economistes et opposants politiques ont défendu la direction de ce service réputé pour sa rigueur et accusent le milliardaire «  d’essayer de tuer le messager plutôt que de faire face aux conséquences de sa politique économique, notamment ses droits de douane massifs qui bousculent les chaînes de production ».

«  L’économie est au bord de la récession. C’est la conclusion claire des données économiques du marché de l’emploi », s’alarme sur les réseaux sociaux  Mark Zandi, l’économiste en chef de l’agence Moody’s Analytics : « Les dépenses de consommation stagnent, les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière sont en contraction et l’emploi devrait encore baisser les prochains moins».

Le consommateur américain ne réagit pas comme attendu à la hausse des droits de douane qui renchérit le coût des produits d’importation : il ne reporte pas ses dépenses sur le Made in USA.

« L’économie est au bord de la récession. C’est la conclusion claire des données économiques du marché de l’emploi »
Mark Zandi, économiste en chef de l’agence Moody’s Analytics

Autre phénomène plus structurel : les jeunes ménages ont ralenti leur activité. Ils ne recherchent plus l’heure sup’ ou la performance commerciale qui leur permettra de dépenser ou de souscrire davantage de crédits.

Le message «  Maga » (Make America Great Again ») incitant à travailler plus pour gagner plus est selon Mark Zandi «  en décalage avec les aspirations des cadres, des professions libérales et de la classe moyenne supérieure de moins de 40 ans qui veulent du temps libre pas seulement pour consommer. Ils fument moins, ils boivent moins, ils se droguent moins et ils se moquent du dernier truc à la mode ». L’expert aurait pu ajouter que les électeurs de Trump dans l’Amérique profonde disposent sans doute de moins de possibilités d’achat que ses détracteurs dans les Etats côtiers du Pacifique et de l’Atlantique.

La consommation ne s’effondre pas davantage grâce aux retraités et aux actifs en fin de carrière, dont les enfants ont terminé leurs (coûteuses) études. Mais dans un pays où 40% des pensions dépendent de fonds placés en Bourse, ce soutien des «  grey-haid shoppers » (acheteurs au cheveux gris) peut très vite se retourner.

Troisième facteur à l’origine de cette contraction du marché de l’emploi : la politique de fermeture migratoire de Trump a paralysé des secteurs comme le bâtiment, les loisirs ou…la livraison de colis, moteur du marché du travail depuis le début du siècle. Des programmes immobiliers se sont arrêtés faute de main d’œuvre et des catalogues de vente en ligne ont réduit leurs volumes et augmenté leurs délais de portage.

Plus à la marge, les boycotts touristiques et la froideur des relations avec le Mexique, «  l’usine des Etats-Unis », ont aussi pénalisé la croissance.

Le spectre de la récession hante pour le moment davantage les esprits que les marchés, en attente d’une baisse des taux de la banque centrale. Mais ce signal d’alarme tiré par les statistiques de l’emploi et de la consommation sonne déjà comme un échec de la méthode Trump, fondée sur les droits de douane, le patriotisme consumériste et la politique migratoire. En moins d’un an, les piliers de son populisme économique vacillent déjà.

L’équipe de La République en Commun