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Sport : après Paris 2024, l’oubli et le mépris

Publié le 11 août 2025
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PARIS-2024
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Un an après le succès des Jeux de Paris 2024, l’amputation de 18% du budget de l’Etat consacré aux Sports est non seulement inefficace pour réduire les déficits et la dette publique mais elle envoie encore un signal désespérant à tous les sportifs, au plus haut niveau comme dans les clubs amateurs de quartiers et de villages.

Un an après Paris 2024, le Toulousain Léon Marchand règne toujours sur les bassins, les Montpelliérains Felix et Alexis Lebrun remplissent les salles, l’éternel Teddy Riner prépare Los Angeles 2028 avec l’enthousiasme d’un junior, Pauline Ferrand-Prévot brille sur le Tour de France féminin, le patron de Paris 2024 Tony Estanguet est respecté et consulté dans le monde entier pour l’organisation d’événements sportifs.

Pourtant, le monde du sport déchante en découvrant le projet de budget 2026 du gouvernement Bayrou : les crédits alloués aux Sports sont annoncés en baisse de 18%. Les fédérations sportives espéraient à la fin de l’Olympiade (2028) atteindre symboliquement le seuil de 1% du budget de la Nation soit près d’un milliard en additionnant les Crédits d’Etat et les reversions de taxes sur les paris sportifs. En 2026, avec les coupes annoncées et des recettes liées aux paris en légère baisse, la barre des 800M€ ne sera même pas atteinte (833M€ en 2025 avec la baisse de la dotation exceptionnelle de 148M€ pour l’organisation des Jeux).

Le budget dévolu aux Sports par le gouvernement français est inférieur à celui du seul Paris Saint-Germain.

La France est un pays de grands champions. Nos dirigeants ne lui donnent plus les moyens de devenir une grande nation sportive. Un an après avoir captivé le monde entier et rendu fier et heureux tout un pays, les Jeux de Paris méritent un autre héritage que celui d’une parenthèse enchantée entre une dissolution désarmante et les incertitudes qui depuis un an désolent et déboussolent le pays.

«  Incompréhensible pour tous les sportifs, pour tous les bénévoles, pour le public qui s’est enthousiasmé. C’est comme si ces moments de bonheur étaient oubliés » réagit dans le quotidien L’Equipe Tony Estanguet, déçu et déconcerté. Teddy Riner s’énerve davantage : « On se fout de notre gueule. Le sport, ils en ont plein la bouche dans les discours mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne. Si dans huit ans, on n’a plus une médaille, si le nombre de licenciés baisse, il ne faudra plus s’étonner ».

Dans les fédérations et les Ligues régionales, la coupe est pleine et le coup est rude à encaisser. Les comités olympiques et paralympiques dénoncent un «  profond mépris, une régression pour le sport, un danger pour la cohésion et le dynamisme du pays… une catastrophe sociale ». L’inquiétude est d’autant plus grande que l’amputation des crédits alloués par l‘Etat aux collectivités ne leur permettra pas de compenser et que beaucoup d’entreprises revoient à la baisse leurs investissements dans le sponsoring et le mécénat.

Sur le plan sportif, l’ancienne championne olympique de judo (1992) Cécile Nowak rappelle une réalité du terrain : «  Tous les champions des disciplines olympiques ont commencé dans un club de quartier, de village, de canton. Ils ont été détectés par des éducateurs, des conseillers techniques puis envoyés dans des centres de performance qui leur ont permis de progresser et pour les meilleurs de rejoindre l’élite ».

Le sport participe autant de l’épanouissement de chacune et de chacun que du sentiment d’appartenir à un collectif.

Ce réseau dans les territoires est aujourd’hui en danger, surtout dans les disciplines les moins médiatisées. En dehors du football, du rugby et du tennis, les clubs et les fédérations n’ont pas les moyens de repérer, former, rémunérer dans leurs propres structures et sur leurs propres deniers les futurs talents. Et encore, la baisse des droits TV met en péril les centres de formation des clubs professionnels.

Au-delà des conséquences à moyen terme sur le sport d’élite, ce choix politique est désespérant pour le sport amateur, pour les bénévoles qui le soir, le mercredi, le week-end encadrent les pratiquants, le plus souvent des jeunes. Comment justifier la suppression du pass sport pour les moins de 13 ans alors que le 10 du mois, 15% des familles ont les comptes dans le rouge ? Cette décision porte en elle une vraie discrimination sociale en plus d’un risque d’enfermer les enfants des ménages défavorisés devant l’écran.

Dans les quartiers prioritaires de la ville, le club canalise les énergies, donne des repères, éveille des rêves… A la campagne, l’équipe, le champion rassemblent, permettent de sortir de l’isolement.

Le sport participe autant de l’épanouissement de chacune et de chacun que du sentiment d’appartenir à un collectif. Ce fut d’ailleurs le double message envoyé par les Français pendant cette quinzaine olympique et magique de Paris 2024 : un désir de sport mais aussi un désir de se retrouver ensemble. Une fierté de porter nos couleurs et d’accueillir fraternellement le monde.

En optant pour un choix purement comptable, au détriment d’une politique sportive digne de ce nom, le gouvernement dilapide un héritage et range au musée de l’olympisme ce formidable moment de l’été 2024. Il risque hélas de rester unique.

L’équipe de La République en Commun