La Convention citoyenne sur les rythmes scolaires a remis ses propositions après plusieurs mois de travail. Les citoyens ont travaillé et ont rendu un rapport dense et construit. Reste désormais à savoir si, comme ce fut trop souvent le cas par le passé, cette parole citoyenne, collective, exigeante, restera ou non sans réponse.
Ils ont été tirés au sort, se sont retrouvés autour d’une même table et ont consacré plusieurs mois à un sujet rarement simple : l’organisation des rythmes scolaires. Les citoyens de la convention ont auditionné chercheurs, enseignants, médecins, élus locaux et acteurs du périscolaire. De ces échanges, ils ont tiré une série de propositions qui cherchent un équilibre entre santé, apprentissages, organisation des familles et contraintes locales.
Certaines mesures ont immédiatement retenu l’attention : un début des cours plus tardif pour les collégiens et lycéens, en accord avec les connaissances sur leur rythme biologique, le retour à une semaine de cinq jours au primaire, destiné à alléger la densité des journées, une réorganisation complète de la journée scolaire, avec un temps réservé le matin aux apprentissages fondamentaux et des après-midis consacrés aux activités pratiques, artistiques ou sportives. La suppression des devoirs à la maison, souvent source d’inégalités, figure aussi parmi les pistes évoquées, tout comme la réduction du nombre de zones de vacances pour rendre le calendrier plus lisible.
Autant de propositions issues d’un travail de fond destiné à répondre à de nombreuses questions qui concernent des millions de Français d’aujourd’hui et de demain. Mais au-delà du sujet en lui-même, c’est aussi celui de l’écho de cette contribution qui se pose désormais. Cet élan risque de s’écraser contre des murs bien connus : ceux des arbitrages budgétaires, des injonctions contradictoires, des ministères qui se renvoient la balle, et de la frilosité politique face à une réforme structurelle.
En démocratie représentative, la décision revient toujours, sauf référendum, aux représentants élus du peuple. Il ne s’agit pas de contester cette légitimité, mais de redonner une place aux citoyens dans ce processus.
Car, si les propositions sont ignorées, ces derniers auront appris au moins une chose : que leur parole compte quand elle est décorative, mais disparaît dès qu’elle devient exigeante.
L’illusion participative rôde, et tout le monde la sent venir. Ce n’est pas du pessimisme, c’est de la mémoire. La Convention citoyenne pour le climat, par exemple, avait suscité de grands espoirs avant que nombre de ses propositions ne soient écartées, laissant un sentiment d’inachevé. Le Grand Débat National, lancé au moment de la crise des gilets jaunes, avait rassemblé des milliers de contributions, sans toujours aboutir à des décisions clairement identifiables, sans même parler des cahiers de doléances, enfermés pendant des années dans les archives départementales de France.
Ces précédents ne condamnent pas d’avance la démarche actuelle, mais ils invitent à la prudence. Les membres de la convention eux-mêmes ont exprimé, à plusieurs reprises, leur volonté de voir leur travail pris au sérieux. Leur engagement n’a de sens que s’il débouche sur une véritable discussion avec les décideurs publics, et pas seulement sur un rapport de plus.
La question dépasse donc largement le seul sujet des rythmes scolaires. Elle touche à la place accordée, en France, à la participation citoyenne dans l’élaboration des politiques publiques. Il est possible que ce rapport ouvre une nouvelle étape, mais il est tout aussi possible qu’il se heurte aux difficultés que l’on connaît : manque de moyens, divergences de priorités, complexité de la mise en œuvre.
Ce qui se joue, au fond, est simple : une parole citoyenne peut-elle réellement influencer une réforme de grande ampleur ? La réponse ne dépend plus des participants, leur travail est fait. Elle dépend désormais des responsables politiques, et de leur capacité à dire clairement ce qu’ils retiennent, ce qu’ils écartent et à expliquer pourquoi.
La question reste ouverte, mais elle conditionnera sans doute la manière dont les prochaines consultations seront perçues, et, sans doute, la confiance que les citoyens accorderont encore à ce type de démarche.
L’équipe de La République en Commun