Alors que les déserts médicaux progressent, un autre risque se profile : celui des déserts pharmaceutiques. Dans nos villages, la pharmacie est souvent le premier — parfois le seul — point d’accès aux soins. Protéger ces officines, c’est défendre l’égalité d’accès aux soins et la dignité de nos territoires ruraux.
En tant que présidente de la région Occitanie, mais aussi en tant que citoyenne profondément attachée à la qualité de vie dans nos territoires ruraux, je veux aujourd’hui alerter sur un phénomène qui me préoccupe : la multiplication des cessations d’activité de pharmacies dans nos campagnes, et avec elles, l’avènement silencieux de vrais « déserts pharmaceutiques ».
Dans les campagnes, la pharmacie, c’est parfois le seul point d’entrée possible dans le système de soins. Quand le médecin généraliste se fait rare, quand l’hôpital est à 40 kilomètres, quand les transports sont limités, la pharmacie, c’est un lieu de soin, d’écoute, de prévention et de confiance. Et lorsque cette proximité disparaît, c’est la population, et en particulier les personnes âgées, les malades chroniques ou les familles isolées, qui est mise en danger.
Les données sont sans équivoque : en France, le nombre de pharmacies recule sensiblement : moins 2 000 pharmacies en dix ans. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes avec 1 pharmacie sur 3 qui reste aujourd’hui menacée.
Pourquoi cet affaiblissement ?
D’abord parce que la baisse annoncée de la rémunération sur les médicaments génériques affaiblit économiquement les officines, déjà dans une situation fragile : 80 % du chiffre d’affaires d’une pharmacie peut dépendre du médicament, et une grande part de celui-ci est liée aux génériques.
Ensuite, il faut savoir que l’ouverture est conditionnée à un seuil minimum de 2 500 habitants alors que près de 30 000 communes en France comptent moins de 2 000 habitants.
Enfin, parce que le phénomène des déserts médicaux s’accroît et entraîne un effet domino : moins de médecins → moins de patients → moins de revenus pour l’officine → risque de fermeture.
Je crois fermement que l’égalité d’accès aux soins et la qualité de vie dans nos territoires ruraux sont un impératif de justice sociale et de cohésion nationale. La Région Occitanie mène une politique volontariste en ce sens : nous recrutons directement des médecins – déjà plus de 100 – et nous accompagnons la création de centres et de maisons de santé pour faire reculer les déserts médicaux. C’est un levier important mais il ne suffit pas. Il faut une réponse forte et coordonnée et la sauvegarde des pharmacies doit être pleinement intégrée dans ce travail sur le maillage de proximité.
Quelles réponses concrètes apporter ?
- Nous devons d’abord adapter la loi en assouplissant le seuil qui conditionne l’ouverture d’une pharmacie. Cette évolution législative est attendue et doit intervenir sans tarder.
- Parallèlement, il faut garantir la viabilité économique des officines rurales. La baisse de la rémunération sur les génériques fragilise déjà nombre de pharmacies ; demain, sans soutien spécifique, certaines n’auront tout simplement plus les moyens d’exister. J’ai d’ailleurs récemment alerté la ministre de la Santé sur ce sujet qui fait fortement réagir la profession pour demander plus de concertation. Le gouvernement a depuis reçu les syndicats, suspendu l’arrêté en question et lancé une mission d’inspection. Il est nécessaire de ne prendre aucune décision hâtive au regard des enjeux.
- Enfin, la coordination entre professionnels doit encore être consolidée : pharmaciens, médecins, infirmiers, maisons de santé. Ce sont ces alliances locales, ces chaînes humaines et professionnelles, qui garantiront un service de santé équitable, efficace et humain.
Je refuse de voir s’installer en France une géographie de l’injustice sanitaire, que l’accès aux soins devienne le privilège des grandes villes ou des métropoles. Chaque citoyen où qu’il vive doit pouvoir être entendu, orienté, soigné. C’est une question d’égalité et de dignité.
Carole Delga