Dans les périodes de crise budgétaire, la même rengaine revient chez les libéraux et à l’extrême droite : il y aurait « trop de fonctionnaires » en France. Ils proposent donc de supprimer des postes pour maitriser les dépenses publiques. Mais sans la fonction publique, qui soignerait, protégerait, instruirait, garantirait la présence du service public sur l’ensemble du territoire ?
Qui seraient ces fonctionnaires « en trop »?
Infirmiers, aides-soignants, médecins, personnels du SAMU qui assurent des soins pour tous ? Professeurs, agents d’entretien qui garantissent l’accès universel au savoir dans nos établissements scolaires et universitaires ? Policiers, militaires, magistrats, pompiers ? Mais alors qui ferait appliquer la loi, qui protégerait les personnes et les biens, qui défendrait le pays ? Les agents territoriaux, qui font vivre nos services publics au quotidien ? De la cantinière de l’école maternelle à l’éboueur, du médiateur social au bibliothécaire, ils assurent une mission essentielle de cohésion sociale et de proximité. Ils entretiennent les routes, accompagnent les personnes âgées, soutiennent les familles en difficulté, assurent la sécurité de base dans les rues ou encore animent les équipements culturels et sportifs.
Supprimer des postes de fonctionnaires, ce serait accepter une dégradation directe et visible des services rendus à la population. Ou alors les réserver à ceux qui ont les moyens de se les offrir. Et pire : mettre en péril l’Etat de droit et l’égalité.
Depuis plusieurs années, les départs à la retraite ne sont pas remplacés dans plusieurs administrations, les conditions de travail se dégradent. Beaucoup de fonctionnaires sont donc déjà soumis à une forte pression pour maintenir un niveau de service équivalent, avec des moyens réduits.
Certains prétendent que la réduction du nombre de fonctionnaires territoriaux permettrait de faire des économies. Externaliser le nettoyage des écoles ou la gestion des déchets au secteur privée peut coûter plus cher sans améliorer la qualité ni assurer la continuité du service : quelle entreprise maintiendrait une activité non rentable, par exemple dans un territoire isolé ou défavorisé ?
Ces économies risquent à moyen terme de devenir contre-productives et même de générer des surcoûts dans une société fragilisée et plus vulnérable : moins de prévention, des infrastructures détériorées, des territoires dévitalisés qui génèrent augmentation des inégalités et sentiment d’abandon.
Les fonctionnaires sont en première ligne face aux défis de demain, et pas des moindres : réchauffement climatique, vieillissement de la population, nouvelles technologies.
Il ne s’agit pas de figer la situation. Oui, certaines structures doivent être modernisées, parfois mutualisées, certains métiers de la fonction publique doivent évoluer. Cela demandera de l’accompagnement notamment pour renforcer la polyvalence, créer des passerelles entre fonctions publiques, travailler sur leur attractivité en valorisant les carrières, améliorer les conditions de travail. Mais cela ne peut aboutir et se dérouler sereinement dans une logique purement comptable ou punitive.
L’efficacité ne se décrète pas par la suppression d’emplois, surtout quand ceux-ci répondent à de vrais besoins humains, sociaux et territoriaux.
La fonction publique doit continuer d’œuvrer pour l’intérêt général. Les fonctionnaires ne sont pas des numéros de matricules. Ces femmes et ces hommes, leurs familles, leurs enfants participent à la vie locale, payent des impôts, consomment, font tourner l’économie.
Les fonctionnaires sont la colonne vertébrale du service public local et national. Au lieu de les pointer du doigt, de les considérer comme des coûts, la société doit reconnaître leur rôle, mesurer leur importance à la fois dans le service rendu et pour la cohésion du pays. Il appartient aux pouvoirs publics de leur donner les moyens de bien accomplir leurs missions.
Car supprimer des postes, c’est couper dans le tissu vivant de nos territoires, creuser les inégalités sociales et territoriales. Et ce sont les citoyens qui en paieront le prix, surtout les plus fragiles.
L’équipe de La République en Commun