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Mettre fin au sida d’ici à 2030 est encore possible

Publié le 01 décembre 2025
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Non, le sida n’a pas disparu. Au contraire : en France, la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2025, intervient dans un contexte préoccupant de recrudescence des cas de séropositivité chez les 15-24 ans. Baisse des financements, désintérêt croissant pour l’épidémie, manque de sensibilisation, influence des discours masculinistes : malgré les immenses progrès accomplis depuis quarante ans, le VIH demeure une menace bien réelle. Pour espérer atteindre l’objectif fixé par l’ONU — mettre fin à l’épidémie d’ici 2030 — il est indispensable de maintenir et d’amplifier les efforts en matière de prévention, de dépistage et d’accès aux traitements, en France comme à l’international.

Un monde sans sida est-il pour bientôt ? La communauté internationale s’était donnée jusqu’à 2030 pour faire du sida une menace résiduelle pour la santé publique. Mais cet horizon s’assombrit.

Le 25 novembre, l’Onusida alertait sur la fragilisation des « objectifs mondiaux de 2030 » et pointait du doigt une « forte baisse de l’aide internationale ». Le désengagement progressif de certains États, en particulier des États-Unis, y contribue largement. Depuis la réélection de Donald Trump, le budget du Pepfar — le principal programme américain d’aide internationale contre le sida — a été amputé d’environ 40 %, et pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis ne commémorent pas la journée mondiale de lutte contre le sida au niveau fédéral en 2025.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui espérait réunir 18 milliards de dollars pour les trois prochaines années, n’en a pour l’heure collecté que 11,5. Rien ne garantit qu’il pourra fournir des traitements à toutes celles et ceux qui en ont besoin. Et si les États-Unis restent le premier contributeur (4,6 milliards de dollars), la France — deuxième contributeur historique — n’a pas encore annoncé le montant de sa participation.

Loin d’être derrière nous, le VIH est une réalité encore bien actuelle : il touche aujourd’hui 40,8 millions de personnes dans le monde. En 2024, l’Europe a enregistré 105 922 nouveaux diagnostics, dont environ 5 100 en France. Et la maladie tue toujours : 630 000 personnes en sont mortes dans le monde en 2024.

Plus inquiétant encore : alors que l’accès à la prévention a fortement progressé, les contaminations augmentent chez les plus jeunes. Entre 2014 et 2023, les cas de séropositivité ont bondi de 41 % chez les 15-24 ans, alors qu’ils ont reculé de 15 % chez les 25-49 ans. Cette tendance s’explique notamment par la baisse de l’usage du préservatif, un recours insuffisant à la PrEP, mais aussi par les risques de contamination accrus par le chemsex.

Le recul des financements, la montée des inégalités d’accès aux soins et l’augmentation des contaminations chez les jeunes semblent nous éloigner de l’objectif 2030. Pourtant, une remobilisation collective peut inverser la tendance.

Sidaction alerte par ailleurs sur l’impact des discours masculinistes, particulièrement prégnants chez les jeunes hommes. Les chiffres sont édifiants : 31 % des 16-34 ans disent se sentir « plus puissants » sans préservatif, 32 % pensent que les femmes doivent respecter leur refus d’en porter, 6 % considèrent le préservatif comme « un signe de faiblesse ». Ces représentations dangereuses contribuent à fragiliser la santé sexuelle et à accroître les risques de contamination.

Le recul des financements, la montée des inégalités d’accès aux soins et l’augmentation des contaminations chez les jeunes semblent nous éloigner de l’objectif 2030. Pourtant, une remobilisation collective peut inverser la tendance.

Associations, institutions et experts appellent à un sursaut :

  • Renforcer la prévention, notamment l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS), insuffisamment mise en œuvre malgré la loi de 2001 prévoyant trois séances annuelles de l’école au lycée.
  • Garantir l’accès aux soins pour les plus vulnérables, en préservant notamment l’aide médicale d’État (AME), régulièrement menacée.
  • Accroître les contributions internationales, pour compenser le retrait américain et sécuriser les programmes de prévention et de traitement.

Depuis les années 1980, les avancées médicales ont été immenses. Mais pour tenir l’objectif d’élimination du sida d’ici 2030, il faut redoubler d’efforts au moment même où la tentation du relâchement menace.

Le Conseil national du sida (CNS) alerte : les coupes budgétaires « pourraient provoquer une hausse de plusieurs millions d’infections et de décès évitables dans les pays à ressources limitées ». Ce sinistre scénario est évitable, en articulant financement international, soutien aux associations, innovations préventives et protection des droits des populations les plus exposées.

Mettre fin au sida d’ici 2030 est encore possible — mais seulement si nous faisons de cette ambition une priorité politique, sanitaire et humaine.

L’équipe de La République en Commun