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Location courte durée et habitat permanent : un nouvel équilibre à trouver

Publié le 31 octobre 2025
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Longtemps cantonné aux grandes métropoles et aux destinations touristiques emblématiques, le phénomène de location courte durée incarné par AirBnB s’est étendu à l’ensemble du territoire. Cette généralisation interroge la cohérence de nos politiques du logement et de l’aménagement du territoire, mais elle ouvre aussi de nouvelles perspectives pour la vitalité économique locale.

À Paris, la tension est bien connue. Près de 98 000 meublés touristiques étaient recensés à l’été 2024 selon les données de la mairie. En dix ans, plusieurs dizaines de milliers de logements ont quitté le marché résidentiel pour rejoindre les plateformes de location saisonnière. Le résultat est tangible : les loyers augmentent, les logements accessibles se raréfient et certains quartiers, comme le Marais, Montmartre ou le Canal Saint-Martin, perdent peu à peu leur population permanente. Cette transformation a conduit la municipalité à renforcer les contrôles et à limiter le nombre de jours de location autorisés.

Mais le fait marquant des dernières années réside ailleurs : la diffusion du modèle Airbnb au-delà des grandes villes. À Nice, la part de logements proposés à la location touristique dépasse désormais celle des locations à l’année dans certains quartiers historiques. À Annecy, La Rochelle ou Biarritz, les taux d’occupation estivaux frôlent les 85 %, selon les données des offices de tourisme. Et dans des communes plus petites, de Vannes à Millau, de Sarlat à Amboise, la location courte durée constitue un nouvel acteur du marché local, souvent sans cadre clair ni accompagnement adapté. Selon une étude publiée par Le Figaro le 29 octobre 2025, 81 % des communes françaises abritent désormais au moins un hébergement Airbnb. Ce chiffre, inédit, marque l’entrée du modèle de la location courte durée dans une nouvelle ère : celle de sa diffusion à l’échelle nationale.

Cette évolution n’est pas en soi uniquement négative. Dans de nombreuses communes rurales ou intermédiaires, la location touristique représente un levier économique réel : elle permet à des propriétaires d’entretenir leur patrimoine, soutient les commerces de proximité et attire une clientèle qui échappait jusqu’ici aux circuits traditionnels de l’hôtellerie. Selon les chiffres communiqués par Airbnb France, 75 % des retombées économiques de la plateforme profitent à des territoires situés hors Île-de-France. Le signe que l’impact ne se limite plus aux grands pôles touristiques.

Le défi est moins de limiter le tourisme que d’en faire un vecteur d’équilibre territorial, au service d’un développement harmonieux et durable.

Cependant, cette dynamique produit aussi des déséquilibres : raréfaction du logement pour les habitants permanents, et donc des services publics et commerciaux qui ont besoin d’un public à l’année, hausse des prix à l’achat, déstructuration des quartiers centraux ou des cœurs de bourg. Le risque est moins celui d’une crise soudaine que d’un glissement progressif vers une économie résidentielle fondée sur la courte durée. À terme, cette tendance pourrait fragiliser la mixité sociale, vider certains cœurs de ville de leurs habitants et accentuer la dépendance de certains territoires au tourisme.

Face à ce risque, les initiatives locales se multiplient, mais elles demeurent dispersées. Bordeaux a instauré des quotas par quartier, Lyon et Annecy imposent une déclaration obligatoire et renforcent les contrôles, tandis que Paris applique une limitation stricte à 120 jours de location par an pour les résidences principales. Ces dispositifs ont montré une efficacité partielle, mais ils se heurtent à la complexité juridique et à la puissance des plateformes numériques.

Une approche nationale et concertée serait donc nécessaire. L’objectif ne serait pas de restreindre uniformément l’activité, mais d’en garantir la soutenabilité. Cela suppose une plus grande transparence des données, une meilleure articulation entre plateformes et collectivités, et un mécanisme fiscal plus équitable. Plusieurs pistes méritent examen : une contribution progressive sur les revenus issus des meublés touristiques, dont les recettes pourraient, par exemple, abonder un fonds national pour le logement et la revitalisation des centres-villes, ou encore une révision du cadre législatif pour distinguer plus clairement la location occasionnelle des activités quasi-professionnelles.

L’enjeu dépasse la seule question du tourisme, car il touche à la capacité de la puissance publique à préserver la cohésion territoriale. Le modèle de la location courte durée et de l’attractivité économique et touristique doit pouvoir coexister avec la possibilité pour chacun de vivre et de se loger dignement dans les territoires où il aspire à s’épanouir et à s’investir. Le défi est moins de limiter le tourisme que d’en faire un vecteur d’équilibre territorial, au service d’un développement harmonieux et durable.

Réconcilier mobilité, hospitalité et stabilité : voilà le véritable enjeu d’une politique du logement à l’heure de l’économie des plateformes.

L’équipe de La République en Commun