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Libérez le journaliste Christophe Gleizes !

Publié le 17 juillet 2025
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Condamné à sept ans de prison en Algérie pour «  apologie du terrorisme », le journaliste français Christophe Gleizes paie aujourd’hui le prix de son métier et de sa curiosité. En reportage pour enquêter sur la mort suspecte d’un footballeur, il est devenu malgré lui un symbole : celui d’une presse libre prise au piège d’un régime liberticide. Famille, confrères, société civile — tous se mobilisent pour dénoncer une condamnation injuste et réclamer sa libération immédiate.

Ce sont des mots qui glacent le sang : «  apologie du terrorisme ». Celles et ceux qui connaissent ou ont pris l’habitude de lire la prose du journaliste sportif Christophe Gleizes en sont restés pétrifiés.

Le 29 juin, le tribunal de Tizi Ouzou (Algérie) a condamné le plumitif français à sept années de prison pour «  apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Rien de moins !

En reportage en Kabylie pour le magazine « So Foot », le journaliste français, originaire d’Agen, qui collabore aussi à « Society » au sein du groupe So Press, avait été arrêté, il y a quelques mois, en pleine enquête sur la mort mystérieuse d’un joueur camerounais.

Placé en résidence surveillée, son cas est longtemps resté loin des radars de l’actualité. Le Quai d’Orsay semblait privilégier une approche discrète de l’affaire afin de mieux négocier son rapatriement en France dans un contexte de lourdes tensions avec l’Algérie. Cette stratégie a échoué, conduisant ses proches à médiatiser dernièrement son incarcération afin de changer son sort.

La justice algérienne lui reproche d’avoir été en contact avec un dirigeant du club de foot de la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), par ailleurs responsable du Mouvement pour l’auto-détermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021.

« Son seul tort est d’avoir interrogé la mauvaise personne. Christophe a été condamné pour avoir fait son travail. »

Comme l’écrivain Boualem Sansal, Christophe Gleizes est donc pris au piège, dans une cellule de 10 m2 qu’il partage avec un co-détenu.

Son histoire s’apparente à un mauvais film. Arrivé en Algérie, en mai 2024, muni d’un visa touristique, le journaliste entendait donc travailler sur la mort, dans des circonstances troubles, d’Albert Ebossé, attaquant camerounais de la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), l’un des clubs phares du championnat algérien. Le fait qu’un dirigeant du club soit également un responsable du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie, ennemi juré du gouvernement algérien, a-t-il pesé dans la décision prise à l’encontre du journaliste français ? On peut le penser. Même si les zones d’ombre sont très pesantes dans ce dossier.

Très marqués par le sort que lui a réservé la justice algérienne, les proches de ce fan du PSG ont décidé de sortir de la discrétion qu’ils s’étaient employés à préserver en lien avec la diplomatie française. Dans une interview accordée au quotidien Le Monde, le beau-père et la mère du prisonnier sont sortis de leur silence contraint : «  Christophe terroriste ? Cela n’a aucun sens (…) Il a seulement compris que le football peut dire beaucoup sur la société », a indiqué sa mère.

Amoureux du continent africain, Christophe Gleizes y a réalisé plusieurs reportages, curieux de ce continent attachant.

En 2018, après avoir voyagé dans plusieurs pays du continent, il coécrit «  Magique système. L’esclavage moderne des footballeurs africains » (Marabout), sur les talents du continent escroqués par de faux intermédiaires sportifs.

En 2015, il s’était rendu une première fois en Algérie, pour un reportage sur la mort, un an plus tôt, d’Albert Ebossé. En 2019, il avait signé pour «  So Foot » des articles sur la victoire des Fennecs, l’équipe nationale algérienne, en finale de la Coupe d’Afrique des nations. Son déplacement en 2024 était seulement son deuxième voyage professionnel en Algérie. Ses sujets de prédilection ? La vie des joueurs, l’homophobie dans l’univers du football, la Fédération Française de Football ou encore le foot africain.

On n’intimide pas la presse, on la respecte.

Que s’est-il donc passé pour que les autorités algériennes décident de couper le sifflet à cet honorable journaliste à la plume libre, très loin de l’idée qu’on se fait du terroriste assoiffé de sang ?

Sa maman n’a pas d’explication. En 13 mois, elle n’a vu son fils qu’en octobre 2024, sans se douter des suites. La France a-t-elle minimisé le sort de son ressortissant, préoccupée par celui très médiatisé de l’écrivain Boualem Sansal ? Le Quai d’Orsay évoque «  la protection consulaire accordée comme pour tout citoyen français qui en fait la demande ».

Christophe Gleizes pourrait être rejugé en octobre. D’ici là ses collègues se mobilisent. Une quarantaine de Sociétés des journalistes (SDJ) de médias français ont appelé à « la libération immédiate de leur collègue » : « L’emprisonnement d’un journaliste pour l’exercice de sa profession constitue une ligne rouge infranchissable. Christophe Gleizes doit retrouver sa liberté, sa famille et ses rédactions », écrivent les SDJ dans un communiqué commun. Parmi elles, figurent celles de L’Équipe, de l’AFP, de TF1, de la rédaction nationale de France Télévisions, de Radio France, de RTL, du Parisien ou encore du Monde.

Une pétition est en ligne sur le site de Reporters sans frontières (RSF), déjà signée par plus de 17 000 personnes. Le monde du football a été appelé à manifester son soutien dans des conditions qui restent à déterminer. Même l’icône absolue Zinedine Zidane a été appelée à la rescousse…

Car l’affaire est hors normes. Sept ans de prison : c’est la peine la plus lourde infligée, depuis plus de dix ans, à un journaliste français pour avoir exercé son métier, selon les données de RSF : « Christophe n’a rien d’autre qu’une passion obsessionnelle pour le football. »

La famille Gleizes se trouvait aux côtés de Franck Annese, dans les locaux de RSF, lorsque la sentence est tombée. « Le choc a été très violent », rapporte le patron de « So Press », avant d’ajouter : « Christophe n’a jamais pris position dans ses papiers. Aucun de ses écrits ne prend parti pour l’indépendance de la Kabylie. Son seul tort est d’avoir interrogé la mauvaise personne. Christophe a été condamné pour avoir fait son travail. »

Le ministère français des Affaires étrangères a, quant à lui, déploré dans un communiqué une « lourde condamnation » et a rappelé son attachement à la liberté de la presse. Le Quai d’Orsay a également assuré suivre « de près » la situation du journaliste, soulignant lui avoir « apporté aide et protection consulaire tout au long de son contrôle judiciaire ». Selon ses soutiens, le journaliste se trouve actuellement à la prison de Tizi Ouzou.

D’ici octobre, les tenants de la liberté de la presse et de la liberté d’expression ne relâcheront pas leurs efforts pour obtenir la libération immédiate de Christophe Gleizes. On n’intimide pas la presse, on la respecte.

L’équipe de La République en Commun 

Signer la pétition de Reporters sans frontières