
Pour une femme, l’accès aux responsabilités politiques reste plus difficile surtout si elle n’est pas issu du sérail ou des grandes écoles. Mais rien n’est impossible si par l’école, le travail, l’engagement les filles se donnent les moyens de choisir leur destin.
On me demande souvent si j’ai déjà ressenti ce qu’on appelle le « syndrome de l’imposteur ». La réponse est oui. Ce syndrome est sans doute plus répandu chez les femmes, tant les cercles de « pouvoir » restent encore très masculins.
J’ai souvent été la seule femme dans des réunions de responsables politiques. Aujourd’hui encore, seulement cinq femmes président une Région en France (sur 18). Ce n’est pas un hasard.
Je ne m’en suis jamais plaint. Parce que j’ai été élevée dans l’idée que le travail, c’est le sésame. Petite, quand je racontais mes rêves à ma grand-mère, elle me répondait toujours : « Travaille bien à l’école ». Ni elle, ni mes parents n’ont jamais considéré que le fait d’être une fille pouvait se révéler un obstacle. C’est une force que je garde en moi.
Mais soyons honnête : une femme doit travailler plus. Quand je prends la parole, je sais qu’on m’écoute à peine au début. On me regarde, on scrute ma coiffure, mes chaussures, mes habits. Un homme, on l’écoute d’emblée. C’est injuste, mais c’est ainsi. Alors je soigne mes discours. Je mets toute mon énergie dans chaque mot, parce qu’il faut convaincre deux fois plus.
Mon expérience ministérielle a été rude, pourtant je ne la regrette pas car cela m’a donné accès à un réseau et à Bercy, om sont gérées les finances du pays, j’ai appris comment fonctionnait le circuit du pouvoir en France. Mais il y a encore malheureusement un fonctionnement de « caste ». Si vous ne sortez pas de l’ENA ou d’une grande école, si vous ne venez pas d’un milieu de notables, c’est dur d’y être intégré.
Un jour, un haut fonctionnaire m’a demandé : « Vous êtes la fille de qui ? ». Je lui ai répondu: « Je suis la fille de personne… et de tout le monde ». Cette phrase, je la porte encore en moi comme un étendard. Ce que je suis, je le dois au travail, à l’engagement, et à mes racines.
Être une femme politique, c’est se battre chaque jour pour sa légitimité. Mais c’est aussi, et surtout, montrer à toutes les jeunes filles que choisir leur destin est possible. Et que leur place, personne ne la leur donnera : elles devront la prendre.
Chaque jour, comme présidente de la Région Occitanie, comme présidente de Régions de France ou comme simple citoyenne, je prends des décisions, petites ou grandes, dans le but d’abolir les barrières : les barrières sociales, territoriales et aussi celles qui persistent entre les femmes et les hommes. C’est le cœur même de mon engagement politique. Donner à toutes et à tous les mêmes chances, peu importe d’où chacune et chacun vient ou ce qu’ils sont. Voilà ce qui me guide.
Carole Delga