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Aucune discrimination au nom de la laïcité

Publié le 12 décembre 2025
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Dans son dernier rapport, publié le 4 décembre, la Défenseure des droits lance une alerte nette : les discriminations fondées sur la religion progressent en France, et touchent avec une intensité particulière les personnes perçues comme musulmanes. Ce constat, étayé par des chiffres en hausse, dit quelque chose de profond de notre société. Une société qui proclame la liberté de conscience, mais laisse s’installer des réflexes de suspicion.

Selon l’enquête « Accès aux droits » menée par l’institution, 7 % des personnes déclarent avoir subi une discrimination en raison de leur religion au cours des cinq dernières années, contre 5 % en 2016. Mais c’est surtout la situation des personnes musulmanes, ou perçues comme telles, qui inquiète : 34 % d’entre elles affirment avoir été discriminées, un niveau en forte progression. Les femmes sont particulièrement touchées, avec 38 % d’expériences discriminatoires rapportées, l’un des taux les plus élevés toutes catégories confondues.

À ces chiffres s’ajoutent des signaux concrets : une hausse importante des sollicitations du numéro national de lutte contre les discriminations, notamment lors des périodes de tension politique, des témoignages multiples faisant état de refus d’embauche, de consignes implicites dans certaines entreprises, de contrôles administratifs plus fréquents, ou encore d’obstacles dans l’accès au logement ou aux services publics.

Cette réalité n’est pas née de nulle part. Elle s’est construite dans un climat où la laïcité, pilier de notre pacte républicain, est trop souvent déformée. Au lieu d’être le bouclier commun des libertés, elle est parfois brandie comme une arme pour cibler certains comportements ou apparences. Au lieu protéger, ce principe républicain devient un prétexte pour écarter, suspecter, discréditer. Le rapport souligne d’ailleurs une confusion préoccupante : près d’un quart des Français pensent que la laïcité interdit tout signe religieux dans l’espace public, ce qui est juridiquement faux, mais socialement lourd de conséquences.

La montée des discriminations religieuses n’est pas un simple problème sectoriel, mais bien un avertissement adressé au pays entier, un rappel que l’égalité n’est jamais acquise, et toujours à défendre.

Lorsque des malentendus deviennent des certitudes, ils façonnent des attitudes, puis des pratiques. La suspicion diffuse finit par se traduire dans les interactions les plus ordinaires : au guichet, dans un entretien d’embauche, sur un campus, dans une administration… Et c’est ainsi que l’idéal républicain s’effrite, par petites touches, sans fracas, mais par glissements successifs.

Face à cela, il faut expliquer, enseigner dès l’adolescence, combattre la complaisance, et revenir au cap que la République s’est donné. La liberté de conscience ne se divise pas, ni ne se module selon les croyances, les apparences ou les projections que l’on fait sur les uns et les autres. La lutte contre les discriminations religieuses est l’affaire de tous et ne relève pas seulement des institutions. Employeurs, élus, médias, personnels de l’éducation nationale… Tous ceux qui participent au lien social en sont les acteurs et les témoins vigilants.

Il est temps également que les responsables politiques cessent d’alimenter des discours qui, sous couvert de « fermeté », minent en réalité le pacte républicain. Les mots comptent. Ils pèsent. Ils orientent l’action publique, façonnent l’opinion et peuvent légitimer des comportements qui, ensuite, se payent en injustices concrètes. On ne joue pas avec la cohésion d’un pays.

La loi doit être respectée, mais elle s’applique à tous, pour sanctionner ou protéger. La montée des discriminations religieuses n’est pas un simple problème sectoriel, mais bien un avertissement adressé au pays entier, un rappel que l’égalité n’est jamais acquise, et toujours à défendre. Il faut une «  prise de conscience institutionnelle », comme l’écrit la Défenseure des droits. Dans un moment où les tensions s’aiguisent, où certains cherchent à fragmenter la société, il ne faut jamais perdre de vue l’exigence républicaine.

L’équipe de La République en Commun