Un an après le retour de Trump à la Maison Blanche, la gauche est de retour aux Etats-Unis. Le succès de Zohran Mandani à New York et ceux des gouverneurs démocrates montrent l’échec du populisme libéral de Donald Trump et le chemin de l’espoir pour une gauche qui sait écouter les attentes du peuple et lui proposer une alternative juste, solidaire et crédible.
« En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière ». Ce sont les premiers mots du nouveau maire socialiste de New York, Zohran Mandani, virevoltant sur un dance floor improvisé dans son quartier général pour célébrer sa victoire mardi 4 novembre, assortie d’une participation record. Un an jour pour jour après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Sa campagne, ses idées, sa personnalité, son programme : tout oppose le jeune maire de Big Apple au vieux milliardaire New Yorkais revenu à la Maison Blanche avec son populisme décomplexé, son libéralisme débridé, ses rhétoriques complotistes et ses soutiens religieux voire suprémacistes.
Le succès de Zohran Mandani est en partie celui d’un « Millenial » de 34 ans, aussi expert qu’audacieux, pour construire des messages percutants et séduisants sur les réseaux sociaux. A la radicalité de Trump, il oppose une rupture radicale. Sa communication est relayée par une cohorte de « followers » baignant dans cet univers numérique et pleinement engagés pour lui : plus de 55 000 « bénévoles » ont frappé à 1,8 millions de portes des cinq quartiers de New York durant la primaire.
Avec son profil multiculturel, Zohran Mandani, musulman d’origine indienne, incarne sa génération dans sa diversité made in USA et aussi une Amérique qui a dépassé le clivage « Européens Afro-Américains » (à New-York, 26% des habitants ne parlent pas anglais à la maison). Contrairement à Andrew Cuomo, son rival à la primaire démocrate, qui s’est maintenu comme indépendant face à lui avec l’appui des Clinton puis de… Trump, il n’a pas calqué ses messages sur les « communautés » et la typologie des quartiers. Pas de références à Malcom X et à Martin Luther King, pas de propositions ciblées quitte à perdre l’électorat portoricain d’East Harlem d’ordinaire choyé par les candidats.
S’il revendique sa religion, il soutient l’IVG et son remboursement contre les imams, la lutte contre l’homophobie et s’affiche libéral sur les questions de genre. Une de ses phrases de campagne, « il n’a qu’une seule communauté : New York » rappelle fortement la devise de Jaurès « il n’y a qu’une race, l’humanité ». Aux Etats-Unis et plus encore à New York, c’est nouveau.
Sur les réseaux sociaux, le premier socialiste maire de la ville qui ne dort jamais (comme lui) revendique de « nommer les choses ». Par exemple quand il évoque « le transfert fiscal des quartiers plus riches et plus blancs vers les quartiers plus pauvres, plus métissés ». Ou qu’il soutient « le peuple de Gaza contre le gouvernement Netanyahou et les juifs d’Amérique contre ceux qui les accusent de complicité avec ce gouvernement ». Près de 40% de la communauté juive de New York a voté en sa faveur…
Boosté par les « chasses aux migrants » ordonnées par la Maison Blanche, l’élan populaire de sa campagne a remotivé la base démocrate et a surtout réveillé des milliers de gens éloignés de la politique. Elle a même retourné des électeurs de Trump en donnant à voir les dégâts économiques, sociaux et humains de la politique conduite depuis un an.
Mais surtout le jeune député a d’abord écouté les New Yorkais. Il raconte sur une vidéo YouTube : « De quoi m’ont parlé les habitants? Des loyers et de l’électricité qui rongent le fruit de leur travail, des transports et de la nourriture qui augmentent chaque année, des dealers devant leur porte. Certains ont voté pour Trump l’an dernier parce qu’il leur a raconté des histoires sur ces sujets qui les concernent tous les jours en leur promettant de fausses solutions. Moi j’en propose des vraies, des solidaires ». Parmi les ralliements, le puissant lobby des chauffeurs de taxi : Mandani s’est battu en tant que député de l’Etat de New York afin d’obtenir des allégements de dettes aux indépendants
Ce contact direct et la participation des citoyens à sa campagne lui ont aussi donné des arguments massue pour démonter les accusations de son adversaire et assumer des revirements dans son parcours lors du débat télévisé : « Oui, j’estimais il y a six ans que la police était trop bien dotée par la mairie de New York. Mais j’ai discuté avec Marta agressée à Brooklyn North, Abi qui a peur pour ses enfants dans le Bronx, Nelson policier à Harlem et ils m’ont tous demandé davantage de patrouilles pour protéger les jeunes, les femmes. Je me trompais parce que je n’étais pas allé sur place. Comme vous êtes un homme du passé, vous êtes sur mes tweets du passé. Moi je suis dans le présent des gens et je prépare leur avenir ».
Son projet décline une série de mesures claires et lisibles face aux fins de mois difficiles : « gel des loyers », « construction de 200 000 logements publics », « autobus gratuits et rapides, extension du métro pour décarboner et accélérer les déplacements », « garderies universelles », « supermarchés gérés par la Ville ». Ce programme centré sur le pouvoir d’achat, le logement, le travail et aussi « de grands travaux urbains », il le financera par une surtaxe de 2% sur les revenus supérieurs au million de dollars (une super Taxe Zucman à l’Américaine) et par un renchérissement de l’impôt sur les bénéfices de 11,5%. Un mot clé a été sermonné pendant 3 mois dans tous ses messages : « Abordable ». « Mandani parle aux portefeuilles vides » a constaté le staff de son adversaire.
Contrairement à Cuomo, Mandani a ajouté des mesures éducatives, préventives et judiciaires contre le racisme, l’antisémitisme, la consommation de stupéfiants : « Je vais rendre le sport, le spectacle, le musée, le restaurant abordables et près de chez vous et vous renoncerez à la drogue » a-t-il tweeté pendant la campagne.
Ce socialisme assumé a suscité des grincements dans le parti démocrate. Wall street, les gros cabinets d’avocats qui financent le parti, les médias ont soutenu Cuomo à coups de millions de dollars malgré la sortie Mandani a été félicité sans hypocrisie par Bernie Sanders, socialiste comme lui, par Barack Obama, absent de sa campagne et même par Bill Clinton !
Tout en dépoussiérant la politique US pour l’adapter aux mutations ethniques et numériques de l’époque, le programme de Mandani renoue avec les fondamentaux de justice sociale et fiscale de la gauche internationale. L’urgence face à ce que Mandani appelle « la tyrannie et le despotisme de Trump » ressoude le camp démocrate quelle que soit la tendance. Le social-démocrate Gavin Newsome a fait passer sa réforme du scrutin législatif par référendum. Les deux candidates très modérées aux postes de gouverneurs lors de deux autres scrutins ce mardi 4 novembre, ont été largement élues face aux protégés de Trump en Virginie et dans le New Jersey ». « Ils auraient dû mettre ma photo sur leur affiche » a réagi le Président, promettant de bloquer l’action de Mandani.
Depuis New York, le maire est déterminé à réveiller « le géant endormi de ceux qui ne votent jamais » et à « monter à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre ». Lui ne pourra jamais candidater à la Maison Blanche car bien que citoyen des Etats-Unis, il est né en dans un autre pays en Ouganda. Mais la représentante nationale du parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez, a déjà salué son approche transpartisane : « Il est un exemple à suivre pour défendre les travailleuses et les travailleurs. Je sais que pour Zohran, il ne s’agit pas d’être démocrate, républicain ou indépendant ; il s’agit d’aider les gens ».
L’équipe de La République en Commun