Les violences perpétrées par des groupuscules d’extrême droite se banalisent, se multiplient et s’organisent, en France comme ailleurs en Europe, motivées par la haine raciste, homophobe ou politique. Face à cette menace idéologique qui mine les fondements mêmes de la démocratie, il est urgent de nommer les faits, et surtout d’affirmer des principes clairs.
La feria de l’ascension bat son plein à Alès ce vendredi 30 mai et comme à l’ordinaire pour ce rendez-vous rituel, beaucoup de fêtards se retrouvent au Prolé, un bar associatif et taurin géré par le parti communiste du Gard. Quand soudain, une douzaine d’activistes d’extrême droite déchainent la violence, frappent les gens au hasard, jettent des grenades lacrymogènes, cassent bouteilles et matériel sono. Une vingtaine de blessés ont dû être soignés dont un hospitalisé en urgence. Une enquête est ouverte pour « violence aggravée en réunion par l’usage d’une arme ».
A Nancy, le même week-end, deux danseurs qui ont participé à un événement anti-fasciste, sont insultés et menacés jusque chez eux par une dizaine de personnes cagoulées et vêtues de noir arborant des stickers de l’Action française et d’un groupuscule identitaire nommé « Europe, Jeunesse, Révolution » qui sévit dans le Grand Est. « Certains soirs, les fafs sont de sortie et ils chassent à Nancy » témoigne dans l’Est Républicain un étudiant passé à tabac par trois adeptes de ce même groupe, également repéré en Belgique et en Allemagne voisines, ce qui rend les investigations complexes.
Dans le Loiret, une semaine plus tard, Maxime, 18 ans, militant des jeunes socialistes est frappé et blessé par un autre jeune de 19 ans membre d’un groupuscule d’extrême-droite local baptisé du nom d’un Orléanais engagé dans la division SS Charlemagne, constituée par des français pro-Hitler en 1939. Dans plusieurs villes – Albi, Lorient, Nancy, Pau – bars associatifs, permanences militantes, ou simples passants perçus comme « indésirables » ont été la cible d’agressions.
Depuis plusieurs mois, ces violences commises par des groupes d’extrême droite se multiplient. L’historien et chercheur Nicolas Lebourg qui a initié un programme baptisé Voramil pour étudier ces factions d’extrême droite recense 300 faits de violences élucidés depuis 2018, 17 tentatives d’attentats terroristes et 67 activités d’ultradroite incarcérées en France. Ce ne sont plus des faits isolés, mais les manifestations concrètes d’une idéologie radicale, identitaire, raciste et autoritaire, qui entend faire taire, par la peur, la force ou l’indifférence, toutes les voix qui s’opposent à elle.
Ces attaques sont parfois coordonnées, souvent revendiquées, toujours motivées par une haine assumée. Si les agressions sont le plus souvent le fait de groupuscules locaux, les discours tenus dans certaines sphères médiatiques, culturelles, religieuses ou politiques renforcent leur détermination et le sentiment d’impunité. Dans certains cortèges, ces activistes défilent parfois aux côtés de cadres du Rassemblement national ou de Reconquête. Dans une enquête très complète, le quotidien Libération démontre que le RN n’a pas tenu son engagement d’exclure les « brebis galeuses » qui tenaient des propos racistes, complotistes ou suprémacistes. Cinq procédures ont été engagées par le parti sur 90 dérapages répertoriés par la presse. D’autres, toujours adhérents du RN, continuent à répandre des propos ouvertement xénophobes sur les réseaux sociaux. Ainsi le leader du parti lepéniste à Concarneau en Bretagne, qualifie les Bleus du football de « pseudo équipe de France » et les compare à des « clandestins ».
Ce phénomène n’est pas propre à la France. En Allemagne, les autorités ont recensé plus de 3 400 crimes liés à l’extrême droite en 2024, dont plus d’un millier de violences physiques, en hausse de 17%. En Italie ou en Espagne, les groupes néo-fascistes et néo-franquistes manifestent de plus en plus à visage découvert. La logique est la même partout : cultiver le fantasme du « grand remplacement », agiter les peurs, légitimer l’autoritarisme et cibler les minorités ».
Face à ces délits, la République dispose d’instruments juridiques et policiers : procédures de dissolution, poursuites pour provocation à la haine, encadrement des manifestations, surveillance des groupes violents, action contre les plateformes numériques complices. Des condamnations tombent. À Bourges, trois militants néonazis ont écopé de 18 mois de prison, dont 12 avec sursis, pour avoir violemment agressé trois couples lors d’une fête locale, ciblés parce qu’ils n’étaient ni blancs, ni n’avaient la « bonne sexualité ». À Paris, un libraire diffusant des ouvrages ouvertement antisémites et islamophobes a été jugé pour apologie du terrorisme.
Mais cet arsenal juridique ne suffira pas : les partis de l’arc républicain doivent être clairs. Ne pas agir, c’est laisser prospérer l’idée que tout est permis, que l’espace public peut être contaminé par la violence, et la démocratie intimidée par ceux qui refusent ses règles. Nous devons le dire en toute transparence : non l’extrême droite n’a pas changé. Son idéologie reste imprégnée de racisme, de repli, de violence.
Laisser faire, ou à minima faire la sourde oreille, c’est céder du terrain à ceux qui ne croient ni à l’égalité, ni à la liberté, ni à la fraternité.
L’Histoire nous a appris comment cette propagation de haine peut finir et nous rappelle que le camp républicain ne doit jamais sous-estimer ceux qui se revendiquent d’un prétendu « ordre nouveau ». Elle nous a également enseigné qu’elle juge celles et ceux qui ne savent s’inspirer des erreurs passées, les répètent ou en font fi. Tâchons de n’être jamais de ceux-là.
L’équipe de La République en Commun