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Une presse libre, c’est notre responsabilité collective

Publié le 30 avril 2025
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Confrontés à des difficultés économiques, de plus en plus de médias passent sous la coupe de milliardaires, de groupes financiers ou dépendent des algorithmes des géants du net. A l’occasion de la Journée mondiale de la presse, le 3 mai, rappelons que le risque est réel pour l’indépendance des rédactions et plus largement pour la liberté de la presse. 

 

«  La liberté de la presse est un pilier de la démocratie. L’accès à une information juste et fiable un droit fondamental pour tout individu ». Enumérer ces principes relève d’une évidence pour qui se prévaut des Lumières et de la déclaration des Droits de l’homme. Cette évidence s’effrite quand on regarde les bilans financiers des entreprises de presse et de l’audiovisuel. En 2025, en France et dans beaucoup de pays, la principale difficulté pour garantir une information indépendante et la liberté des journalistes, c’est le modèle économique des médias.

L’information a un coût.  Chercher, rédiger, garantir une information vérifiée et documentée, la diffuser sur un support papier, numérique ou audiovisuel, demande de la ressource humaine, des équipements, des matières premières, des investissements dans des technologies qui évoluent très vite… Le citoyen contribue ainsi à l’indépendance de l’information et à la liberté de la presse non seulement quand il achète un journal ou s’abonne à un site internet mais encore quand il regarde ou écoute une publicité.

Depuis plus d’un siècle, dans le but de rendre l’information accessible à tous, les entreprises de presse et de l’audiovisuel ont imaginé la «  réclame « sous diverses formes (annonces, sponsoring, partenariats) comme source de revenus complémentaire ou principale à la vente directe du support. D’où les prix modérés des journaux, la gratuité des stations de radio et des chaînes TN. Garant du droit universel à l’information, l’Etat apporte son écot à travers le financement de l’Agence France Presse présente partout dans le monde, de l’audiovisuel public via l’impôt et des aides à la presse votées par le Parlement (133M€ en 2025).

Depuis trente ans, en dehors de quelques médias de niche spécialisés, toutes les entreprises du secteur peinent à boucler les fins de mois

Or les canaux d’information se multiplient, donc les budgets des annonceurs se divisent en plus de se réduire (comme d’ailleurs celui de l’Etat). La nécessité de la publicité est souvent incomprise voire contestée, tout comme l’est sa force créative et son apport au marché de l’emploi.

Résultat : depuis trente ans, en dehors de quelques médias de niche spécialisés, toutes les entreprises du secteur peinent à boucler les fins de mois. De plans sociaux en réductions de pagination ou de temps d’antenne, elles ont resserré leurs rédactions et leurs budgets. Quelques groupes ont préservé leur indépendance en se diversifiant dans la production d’événements festifs, culturels ou sportifs : les revenus qu’ils dégagent financent les rédactions, base incontournable de leur « marque » (l’organisation du Tour de France par la maison mère du quotidien l’Equipe est par exemple la principale source de revenus du groupe).

Ces initiatives ne suffisent pas. Bouygues (TFI), Dassault, LVMH, l’armateur CMA-CGM, Altice… La quasi-totalité des médias sont aujourd’hui détenus par des milliardaires, des fonds de pension, des groupes industriels ou bancaires. Leurs intentions réelles sont-elles de financer la préservation d’un droit fondamental ou d’acheter de d’influence ?  Xavier Niel, Mathieu Pigasse et Pierre Bergé ont sauvé le quotidien Le Monde au bord de la banqueroute pour préserver un journal «  gage de qualité de l’information ». Le groupe LVMH a jugé « cohérent » que la première marque de luxe acquière Paris Match, symbole du magazine glamour.

Le milliardaire Vincent Bolloré (Europe 1, CNews, JDD, Valeurs actuelles) n’a en revanche jamais caché que ses rachats de médias visaient à donner un écho à ses idées conservatrices d’extrême droite. Peu lui importent les millions d’euros de pertes du moment qu’il diffuse une information au mieux hiérarchisée, au pire manipulée en fonction de ses visées idéologiques.

Les revenus des principaux sites d’information dépendent en grande partie de Google, Apple, Android, Meta (Facebook) dont les algorithmes décident ou non de relayer l’information et la publicité sur les canaux qu’ils contrôlent (en vendant au passage leurs propres annonces !). Leur puissance leur permet d’écraser un média, une information qui leur déplairait ou pire, d’en choisir ou d’en fabriquer une autre sans garantie de fiabilité.

Comment éviter demain une presse sous influence et sous dépendance ? Une part importante de la réponse appartient aux pouvoirs publics en charge de la régulation du secteur économique, de l’encadrement judiciaire de l’information (lutte contre les contrevérités), de l’audiovisuel public, de l’équité entre les territoires pour la diffusion des journaux.

Mais la responsabilité des citoyens et des annonceurs est aussi engagée. Une information juste, de qualité, fiable et universelle ne peut pas être gratuite. Acheter un journal, accepter une publicité, c’est aussi préserver une liberté fondamentale.

L’équipe de La République en commun