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Un an après la dissolution, un pays à l’arrêt, un projet à construire

Publié le 06 juin 2025
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Le 9 juin 2024, au soir des élections européennes, le président de la République convoquait les Français à des élections législatives. Un an après, le chef de l’Etat, son gouvernement et le Parlement n’ont aucune marge de manœuvre politique pour répondre aux attentes des Français et redresser le pays. Le cycle électoral de 4 ans qui s’ouvre est une opportunité pour la gauche de porter un projet de justice qui apporte des solutions aux Français.

Une puissance publique impuissante, une population en perte de repères et de confiance, la croissance, la consommation et les investissements privés et publics à l’arrêt… En même temps que le décret de dissolution de l’Assemblée nationale, le président de la République a signé l’arrêt du pays ce 9 juin 2024.

Depuis un an, faute d’un programme validé dans les urnes et sous la menace permanente d’une censure, les gouvernements Barnier puis Bayrou, sans cap ni cohérence, ont été cantonnés au rôle de vigie des dogmes macronistes de ne pas augmenter les impôts et de sauvegarde des réformes injustes et impopulaires (les retraites par exemple).  Face à la dégradation des finances publiques, les coups de rabots disséminés dans les crédits de l’Etat et des collectivités locales n’ont pas produit « d’effets notables sur la réduction de la dette », souligne la Cour des Comptes.

La conséquence de cette inaction forcée, c’est la montée de la défiance et du désespoir chez beaucoup de nos concitoyens quand ce n’est pas de la colère. Ils clament leur inquiétude et leur incertitude sur l’avenir. Dans un sondage de l’institut Odoxa pour Challenges et BFM-TV,  7 personnes interrogées sur 10 affirmaient que la dissolution a eu des conséquences négatives sur la situation économique de la France, sur celle des entreprises (71 %) et sur l’emploi (69%). Trois sur quatre n’ont pas confiance dans les politiques en général pour redresser le pays. A peine 3,5 millions ont suivi la dernière émission télévisée du président de la République au mois de mai, peu nombreux sont ceux qui s’intéressent aux débats du Parlement.

Comment blâmer les citoyens de cette prise de distance avec la classe et la chose politique quand des ministres mettent en scène leurs rivalités au lieu d’apaiser le pays ? Quand les débats au Parlement sombrent dans les petits calculs et la grande confusion ? Quand l’invective et la brutalité deviennent le mode d’expression ?

Le pays a besoin d’un cap clair sur des sujets aussi fondamentaux que la valeur du travail, le vivre-ensemble, le partage des richesses.

Le pays a besoin d’un cap clair sur des sujets aussi fondamentaux que le travail, le vivre-ensemble, le partage des richesses. 

Dans le contexte international de tensions permanente et de crises multiples, face aux velléités de Poutine, à l’offensive douanière de Trump, au dumping commercial de la Chine, les Français attendent des protections multiples. Pour leur emploi, pour leur santé, pour leur pouvoir de vivre, pour leurs enfants. Ils exigent des réponses concrètes aux difficultés de leur quotidien, ils s’inquiètent de la dégradation des services publics de l’école, de la santé, de l’inflation, des tarifs de l’énergie. Les annonces approximatives sur des bagnes outre-mer, la suppression des peines de prison avec sursis, une TVA sociale qui frapperait les plus modestes ne sont pas à la hauteur de ces attentes.

En condamnant les dirigeants à l’inaction, la dissolution nous a fait perdre une année. Pire : aux yeux de 70% des français, les injustices sociales, fiscales et territoriales, s’aggravent (2). Comment en sortir ?

Comme l’ont écrit la plupart des éditorialistes, l’ère Macron est terminée. Dans les prochains mois, s’ouvre un cycle électoral de quatre années : municipales (2026), présidentielle (2027), départementales, régionales (2028), législatives, Européennes (2029). A travers cet enchaînement de scrutins, l’opportunité est donnée à la gauche de changer la façon de gouverner et de porter un projet populaire de rupture pour restaurer la justice sociale, la sérénité des débats et la confiance en l’avenir.

La première exigence, c’est de construire avec les citoyens, avec les corps intermédiaires (partenaires sociaux, scientifiques, ONG) une offre politique à la hauteur des enjeux multiples. Une offre sincère crédible et très charpentée comme l’étaient en 1981 les 110 propositions de François Mitterrand.

Se focaliser sur une échéance par rapport aux autres serait une erreur. Dans une société devenue très complexe, les grands enjeux se rejoignent aux différents niveaux de décision

Se focaliser sur une échéance par rapport aux autres serait une erreur. Dans une société devenue très complexe, les grands enjeux se rejoignent aux différents niveaux de décision. Si l’on prend la décarbonation des transports comme exemple, les politiques à conduire sont à la fois hyperlocales (aménagements de pôles d’échanges multimodaux), régionales (trajets du quotidien, liaison des territoires les plus isolés), nationales et européennes (connexions aux grands réseaux ferroviaires, grands aéroports). J’ai proposé qu’à la fin des concessions autoroutières les prix des péages soient gelés et que la manne récupérée finance des infrastructures ferroviaires et le transport en commun à tous les niveaux.

Autres exemples : les choix budgétaires sur la Santé appartiennent au Parlement ce qui garantit une répartition équitable  du financement entre les citoyens. Mais l’offre de soins au plus près des lieux de vie ne peut être pilotée depuis des bureaux à Paris. Une initiative portée notamment par Benoît Hamon de réserver la prise en charge de la dépendance et de la petite enfance à l’Etat ou à l’économie sociale non lucrative nécessitera un travail au Parlement et une implication de toutes les collectivités locales. Sur la sécurité, comment imaginer une police de proximité efficace sur la prévention comme sur le suivi des délinquants sans un travail collectif de terrain entre la justice, la police et les autres services publics ?

La proposition d’une alternance politique de gauche crédible demande un travail exigeant que nous devons conduire en fidélité à nos valeurs de solidarité, d’humanisme, d’universalisme. Sans céder à la facilité de l’annonce médiatique sans lendemain, ni succomber à la démagogie et à l’outrance de mesures brutales et irréalistes qui conduisent au chaos et à l’affrontement.

Après cette année harassante pour tout le monde, ce travail de consultation des citoyens et de construction du projet ne peut plus attendre. Nous n’avons plus de temps à perdre.

 Carole Delga 

1.Etude Odoxa 26 et 27 mai
2.Etude Fondapol 18 mai 2025