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«  Tendre la main à ceux qui se noient en Méditerranée », une tribune cosignée par Carole Delga, Najat Vallaud-Belkacem, Sophie Beau, et Hélène Sandragné

Publié le 14 décembre 2025
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Tribune publiée le 14 décembre 2025 sur Midilibre.fr

Sophie Beau, co-fondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre et présidente de l’association France Terre d’Asile et Hélène Sandragné, présidente du conseil départemental de l’Aude lancent un appel à soutenir SOS Méditerranée et les associations qui s’engagent pour le droit à la vie. 

Tout capitaine a le devoir absolu de sauvegarder la vie humaine en mer. Cet impératif légal, consacré dans les conventions du droit de la mer, s’inspire d’un principe moral inaliénable : en mer comme à terre, la préservation de la vie humaine doit primer sur toute autre considération. Il est aujourd’hui en danger. Depuis 2015 et la «  crise humanitaire de Méditerranée », la société civile a pris le relais d’États côtiers qui bafouent le devoir inconditionnel de sauvetage. Des ONG comme SOS Méditerranée se sont créées pour sauver des vies, affrétant des navires de sauvetage sur l’axe migratoire le plus meurtrier au monde : plus de 33 000 personnes sont mortes en Méditerranée depuis 2014.

À elle seule, l’association a secouru 42 708 personnes depuis 2016. Mais depuis dix ans, les États côtiers de Méditerranée fuient leurs responsabilités et détournent le regard de ces hommes, femmes et enfants qui traversent la mer au péril de leur vie. Ainsi Malte et la Libye ne coordonnent pas les secours, ignorant les cas de détresse, provoquant des naufrages ; les garde-côtes libyens entravent les opérations des navires de sauvetage, manœuvrant dangereusement ou tirant à proximité ; ils facilitent les refoulements illégaux des naufragés en Libye, un État failli qui ne peut être considéré comme un « lieu sûr » au regard du droit international.

Cette escalade gravissime, dans un contexte délétère, doit tous nous alerter.

Quant aux autorités italiennes, elles mettent en œuvre des politiques cyniques, désignant des ports de débarquement très lointains, interdisant de mener plusieurs sauvetages d’affilée, plaçant les navires en détention administrative. Autant de mesures qui écartent les quelques unités de sauvetage des zones où elles pourraient sauver tant de vies.

Le 24 août dernier, les équipes de l’Ocean Viking ont été confrontées à une attaque d’une violence inédite. Le navire de SOS Méditerranée était engagé dans des opérations sous coordination italienne, quand un patrouilleur des garde-côtes libyens arrivé à pleine vitesse, a ouvert le feu sans sommation pendant une vingtaine de minutes. L’attaque a provoqué de lourds dégâts sur le navire, visant son poste de commandement et touchant des équipements essentiels dans la conduite des opérations. Grâce à leur sang-froid et leur professionnalisme, les équipes et les rescapés à bord s’en sont sortis sans blessures, mais pas sans traumatisme. Cette escalade gravissime, dans un contexte délétère, doit tous nous alerter.

Comment admettre qu’un équipage de garde-côtes mette en danger la vie de sauveteurs européens tout comme celle des rescapés, dans les eaux internationales de Méditerranée, sur un patrouilleur donné en 2023 par l’Italie à la Libye ? Comment interpréter, trois mois après les faits, l’absence de condamnation, le silence assourdissant des États européens ? Alors que l’ordre et le droit international sont attaqués partout dans le monde, cette politique européenne en Méditerranée n’est pas seulement dangereuse ; elle relève du laisser-faire, voire de la complicité.

Nos associations, nos collectivités territoriales, d’innombrables citoyens s’engagent sans relâche pour que la solidarité et le respect du droit restent les piliers de notre société. Le droit à la vie est le premier des droits fondamentaux. Mobilisons-nous collectivement pour le faire respecter ! Face à la situation internationale, notre détermination est plus forte que jamais : l’Ocean Viking s’apprête à repartir en mer. Nous continuerons à aider ses équipes à tendre la main à ceux qui se noient en Méditerranée. Il en va tout simplement de notre humanité.

Signataires : 

  • Sophie Beau, co-fondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée
  • Carole Delga, présidente de la Région Occitanie
  • Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre et présidente de l’association France Terre d’Asile
  • Hélène Sandragné, présidente du conseil départemental de l’Aude
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