Le gouvernement a lancé juste avant les vacances une convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Pendant six mois, 130 citoyens tirés au sort vont réfléchir à l’organisation du quotidien des plus jeunes. Cette consultation ne doit pas occulter l’ensemble des réformes nécessaires pour que notre école redevienne le lieu de l’émancipation et de l’égalité.
Le sujet des rythmes scolaires est sérieux. Il mérite un débat nourri, pluriel, des propositions concrètes. Mais à une condition : ce débat ne doit pas devenir un nouvel exercice d’enfumage démocratique et servir à contourner les autres problèmes structurels qui affectent l’école en France et mettent à mal sa promesse républicaine. Les besoins immenses de notre Education nationale ne se limitent pas à une meilleure organisation du temps. Rien ne changera sans un engagement politique sur une ligne claire et des moyens à la hauteur des enjeux.
Les rythmes scolaires ne sont pas une lubie technocratique. Ils disent beaucoup de ce que nous voulons pour nos enfants. Aujourd’hui, l’élève français passe moins de jours à l’école que ses voisins européens, mais avec des journées parmi les plus denses et fatigantes. C’est un contresens pédagogique.
Depuis la réforme Blanquer de 2017, 90 % des écoles primaires sont revenues à la semaine de quatre jours. Résultat : la France est aujourd’hui le seul pays au monde à proposer une journée de repos en milieu de semaine. Cela contredit toutes les recommandations des chrono-biologistes et creuse les inégalités entre enfants. Car le mercredi sans une demi-journée d’école, ce n’est pas une opportunité pour tous : c’est trop souvent une demi-journée de relégation pour ceux qui n’ont pas accès aux activités sportives ou culturelles. Une semaine de 4 jours et demi peut s’imaginer avec un mercredi matin consacré à du soutien scolaire organisé si nécessaire, ou bien à des activités culturelles, artistiques et sportives pour tous, financées de façon équitable sur tous les territoires.
Parlons aussi des vacances scolaires. Là encore, les rigidités françaises ne tiennent plus. Les études et les tests à l’école primaire et au collège montrent que les élèves les plus fragiles décrochent et les inégalités s’aggravent après les coupures. Il est donc nécessaire d’ouvrir un vrai débat national sur la durée et l’articulation des vacances scolaires. Pas un passage en force. Mais un travail sérieux, associant la communauté éducative, les scientifiques, les parents d’élèves, les partenaires sociaux, le monde du tourisme et les collectivités locales.
Travailler sur rythmes scolaires est nécessaire, mais attention à ne pas oublier d’autres urgences. L’école souffre d’un mal plus profond, plus grave, plus systémique.
Où est passée la promesse d’un enseignant devant chaque classe ? Elle sonne comme un slogan vide quand plus de 3000 postes restent vacants chaque année. Les classes sont surchargées : 22 élèves en primaire, 26 au collège, contre 19 et 21 en moyenne dans l’OCDE. Et ce sont souvent les élèves des quartiers populaires ou les territoires ruraux qui subissent postes non pourvus et enseignants non remplacés.
Un choc d’attractivité s’impose. Cela passe forcément par la revalorisation des salaires. En 1980, un professeur débutait à 2,3 SMIC, aujourd’hui c’est à peine 1,2. En Allemagne, un enseignant est deux fois mieux payé, il dispose d’un bureau dans l’établissement. Les carrières dans l’Education nationale doivent être choisies, respectées, et ouvertes à la reconversion.
Et que dire de la mixité sociale ? L’école est devenue un miroir des inégalités, parfois même leur amplificateur. Les ghettos scolaires s’installent, le contournement de la carte scolaire s’organise, le privé prospère comme refuge des plus aisés. Le gouvernement a laissé ce chantier en friche : nous savons pourtant que la mixité scolaire améliore les résultats de tous et renforce le vivre-ensemble. Il est temps de rouvrir ce dossier, sans tabous.
Enfin, cette convention citoyenne laisse un angle mort : la petite enfance. C’est pourtant là que tout commence. Profitant d’une offre publique insuffisante, des fonds d’investissement n’ont pas hésité à transformer les crèches en machine à cash. Résultat ? Des enfants subissent les logiques économiques et des professionnelles de la petite enfance épuisées et sous-payées. La démarchandisation de la petite enfance et la construction d’un service public gratuit, de qualité, ancré sur les besoins des enfants et des familles, est devenu une urgence sociale et éducative.
L’école est fracturée.
- Par les inégalités,
- par la pénurie de profs,
- Par l’abandon de ses missions premières,
- Par l’impossibilité, trop souvent, d’inclure tous les enfants dans une même exigence,
- Par la fatigue de ses personnels et le manque de remplaçants,
- Par les salaires insuffisants qu’on leur propose.
On ne réparera pas l’école en la regardant par le petit bout de la lorgnette. Et on ne résoudra rien sans moyens. Oui, les rythmes scolaires sont importants. Mais ils ne peuvent être le cache-misère d’une école délaissée. Si la convention citoyenne se veut sérieuse, elle ne pourra éviter que les débats débordent sur la question fondamentale : quelle place, quelle mission, quelle ambition pour l’école dans notre société ? Il est temps de répondre. Pas avec des mots. Avec des actes et avec des moyens.
L’équipe de La République en Commun