Le sursaut démocratique des Roumains qui ont choisi d’élire un président pro-européen (54% pour Nicusor Dan) plutôt qu’un populiste soutenu par Trump et Poutine est une bonne nouvelle. Cette élection doit conforter nos convictions pour bâtir une Europe plus forte, plus fraternelle et plus solidaire afin de repousser une internationale d’extrême droite qui menace la paix, les libertés, les équilibres économiques et géopolitiques.
Au-delà des enjeux nationaux, cette présidentielle en Roumanie opposait notre camp, celui de la démocratie, de la fraternité européenne, de l’Etat de droit au modèle illibéral, brutal et autoritaire vanté par les populistes de la Maison Blanche au Kremlin en passant par Buenos Aires et Budapest.
Le candidat de l’internationale d’extrême droite, George Simion, parlait comme Trump et pensait comme Poutine. Formé par un nostalgique de la Roumanie alliée aux SS, inspiré par les idéologues de la Maison Blanche, soutenu par les hackers du Kremlin, il a utilisé les mêmes outrances, les mêmes mensonges : fausses informations virales et discours virilistes ont envahi les réseaux sociaux, relayés via des médias financés par des oligarques russes.
A défaut de pouvoir cibler l’immigré dans un pays qui a vu 15% de sa population prendre le chemin de l’exil depuis 20 ans, ce candidat désignait des ennemis imaginaires venus de l’extérieur : l’OTAN, l’Union européenne, l’écologie… Ou encore les « globalistes », le président français, la présidente de la Commission européenne. Tel Trump avec le Groenland et le Canada, il annonçait l’annexion de la Moldavie voisine. Comme Elon Musk, il programmait le renvoi de 25% des fonctionnaires. Les Roumains ont refusé cette course à la chimère.
Le sursaut de participation au second tour (+13 points par rapport au premier à 66%) a permis de repousser cette menace populiste en érigeant un rempart républicain autour du maire de Bucarest soutenu par les partis de gouvernement, Nicusor Dan. Un sursaut démocratique, européen et pacifiste : en toute clarté, le peuple roumain a répondu oui à l’Union européenne et non à la guerre. Oui à nos valeurs d’humanisme et d’universalisme, non à l’exclusion et à l’affrontement.
Ce réflexe protecteur des droits, cette fermeté démocratique, cette affirmation européenne d’un pays si longtemps enfermé dans le nationalisme et la dictature représentent un soulagement pour notre camp.
Le choix de la Roumanie intervient dans un moment où les premières décisions de politique économique de Trump plongent les Etats-Unis dans la récession ; un moment où l’Europe se ressoude autour d’un axe Paris-Berlin en phase sur les impératifs de Défense, de soutien à l’Ukraine, de souverainetés industrielles et énergétiques.
Le front démocratique roumain de ce second tour est revigorant pour tous ceux qui croient au progrès et à la paix, aux droits humains et aux libertés. Cette bonne nouvelle porte une espérance et nous motive encore plus pour débusquer les mensonges, démasquer les impostures de l’extrême droite, démontrer ses logiques de chaos. Son objectif clairement assumé, c’est de casser notre système de valeurs démocratiques, héritées en France des Lumières et de la République, dans ces pays de l’ex-univers soviétique par la marche vers l’Union européenne après la chute du mur de Berlin.
Pour autant, nous devons rester lucides sur la face sombre du résultat : le score de l’extrême droite (46%) a doublé en six ans. Dans les anciens bassins miniers et métallurgiques où le chômage approche 20%, moins d’un électeur sur deux s’est déplacé et le vote du désespoir et de la colère a permis à Simion d’atteindre jusqu’à 65%. Dans les bourgs ruraux désertés par les jeunes contraints à l’exode pour trouver un emploi sur un chantier, dans un Ehpad, un hôtel de station balnéaire en Allemagne, en Espagne ou en France. Sur le vote de ces 3 millions d’expatriés qui croyaient à un retour au pays, le candidat populiste arrive également en tête. Nicusor Dan est sauvé par le vote des quartiers aisés de Bucarest (jusqu’à 80%), des villes universitaires, touristiques, des bassins de vie au taux de chômage faible.
Le message de cette élection, c’est aussi que l’Europe, de l’Atlantique à la Mer noire, doit s’affirmer davantage comme un espace de paix, de fraternité, de protections. L’Europe doit devenir plus forte face aux velléités expansionnistes de Poutine d’un côté, des multinationales du numérique de l’autre. Plus ferme face aux dumpings sociaux et écologiques qui creusent les fractures et les inégalités, détruisent nos emplois et désespèrent les citoyens. L’Europe c’est notre horizon et les Roumains ont redit que c’était le leur. Avec les démocrates de tout le continent, nous devons construire ce projet sincère et solidaire. Pour ne pas trahir les bulletins de résistance des Roumains.
Carole Delga