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Réinventer le référendum pour revitaliser la démocratie

Publié le 29 mai 2025
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Depuis 20 ans et le rejet du Traité constitutionnel européen, les Français ne se sont pas prononcés par référendum sur le moindre sujet alors que tous les jours leur avis est sollicité par les médias, les réseaux sociaux et les sites internet sur différents sujets. Au-delà du référendum classique pour trancher les grands sujets, la démocratie gagnerait en vitalité et en efficacité à consulter de façon quasi continue les citoyens avec les moyens technologiques modernes.

Depuis vingt ans, les Français ne se sont pas rendus aux urnes pour un référendum national. 2005, c’était le temps des blogs et des disquettes. Le «  modem » ne désignait pas encore un parti politique de centre-droit mais un appendice magique ajouté à l’ordinateur et relié par un câble à la prise téléphonique ou au portable pour connecter son écran à ceux du monde entier !

Depuis cette ère « pré-Facebook », les Français sont consultés pratiquement tous les jours sur à peu près tous les sujets : du Ballon d’Or récompensant le meilleur joueur de foot du monde à des questions aussi sérieuses que la légalisation du cannabis ou l’interdiction des écrans aux enfants de maternelle. Le vote binaire, « oui ou non », est devenu un outil interactif indispensable pour les médias, réseaux sociaux et autres sites marchands.

Malgré la popularité et la facilité de ses consultations théoriquement moins anonymes qu’un passage à l’isoloir, la « démocratie smartphone », selon la formule du journaliste et essayiste Francis Brochet, n’a pas conquis la classe politique. Depuis 2005, aucun président ne s’est risqué à un référendum avec bulletin à glisser dans l’urne.  Ni les exécutifs, ni le Parlement, n’ont exploré les nouvelles technologies pour permettre aux Français de donner leur opinion, voire de trancher sur des questions majeures relatives à nos modes de vie, à nos institutions, aux grands débats de société.

Consulter les Français en utilisant les moyens technologiques à disposition est le moyen le plus efficace à notre disposition pour revitaliser la démocratie.

Sans doute les successeurs de Jacques Chirac ont-ils été échaudés par le «  non » au Traité constitutionnel européen soumis au vote le 29 mai 2005 par le président de la République. Comme d’autres référendums dans l’histoire de la Vème République, comme lors du référendum sur l’appartenance à l’Union européenne chez nos voisins britanniques, les considérations nationales avaient lourdement pesé sur le scrutin. Néanmoins, sur le fond, autrement dit la question européenne, le rejet du Traité par 54% des suffrages exprimés révélait bel et bien une fracture entre « européistes » et « souverainistes » dépassant le clivage droite-gauche du siècle dernier.

L’Union européenne a néanmoins pu poursuivre sa marche : en 2008, le Traité rejeté par les Français, puis dans la même proportion par les Néerlandais deux jours plus tard (les Espagnols avaient, eux répondu oui à 77%), a été remplacé par le Traité de Nice. Signé en 2007, ratifié en 2008 par 75% des parlementaires français, ce n’est pas un copier-coller du texte soumis à référendum le 29 mai 2025 (il comporte par exemple la lutte contre le réchauffement climatique, l’aide alimentaire…). Ce n’est pas non plus une Constitution. Ce n’est pas, enfin, le déni de démocratie dénoncé par le Rassemblement national et Jean-Luc Mélenchon. D’une part, les candidats à la présidentielle de 2007 qui avaient inscrit le Traité de Nice dans leur programme représentaient 75% de suffrages au premier tour. D’autre part, les tenants du non se sont retrouvés dans l’incapacité totale de s’accorder sur un texte alternatif, en France comme aux Pays-Bas.

En revanche, la pratique référendaire a bel et bien subi un coup d’arrêt. Le Parlement, qui dans l’histoire a toujours regardé le référendum comme un contournement démagogique de ses prérogatives, n’a pas non plus encouragé la pratique. La loi de 2008 instaurant un référendum d’initiative partagée (RIP) n’a jamais été utilisée à ce jour, les conditions étant très restrictives : le texte doit être signé par un cinquième des parlementaires, par 10% des électeurs et validé par le Conseil constitutionnel. La tentative de RIP sur la privatisation de la société des Aéroports de Paris n’a ainsi pas trouvé suffisamment de signataires.

Le président Emmanuel Macron a promis aux Français de remédier à ce vide lors de ses vœux. Six mois après, il n’a pas été capable d’esquisser le moindre sujet à soumettre aux Français. La situation de blocage politique dans laquelle il a précipité le pays est un sérieux frein pour qu’un vote référendaire, quel que soit le sujet, puisse être conduit en toute sérénité. Surtout, aucun travail préalable de modernisation de ce mode de consultation n’a été accompli.

Pourtant, rendre la démocratie plus participative, plus proche du peuple, est une exigence. Les «  Gilets jaunes » en 2018, les centrales syndicales lors de la réforme des retraites ont revendiqué le droit d’être consultés, surtout sur des sujets que le Parlement n’a pu débattre en raison de l’usage de l’article 49-3. Consulter les Français en utilisant les moyens technologiques à disposition est même le moyen le plus efficace de revitaliser nos démocraties.

Cela demande des moyens importants en termes de sécurités informatiques, mais après tout si les banques ou les compagnies d’assurance savent protéger les transactions, pourquoi un Etat ou une collectivité ne parviendraient-ils pas à sécuriser un vote ? Cela demande un encadrement législatif et constitutionnel sans doute plus souple que le RIP et plus précis que l’article 3 de la Constitution. Sans doute faut-il renforcer les possibilités de référendums décisionnels locaux, la plupart des consultations locales ayant abouti à un avis et non à une décision.

Cela demande surtout aux élus d’instaurer une participation en continu des citoyens qui ne se limite pas à des commentaires – le plus souvent très clivés sur les réseaux sociaux des parlementaires et les sites des collectivités locales. Il appartient en effet aux représentants politiques d’aller vers les citoyens pour affirmer et affiner la décision puis définir une action en phase avec le terrain, et surtout le bien commun. Le chantier de la démocratie participative devra s’ouvrir au Parlement et devenir un mode de fonctionnement dans les collectivités locales. Comme toute pratique électorale, le référendum doit se réinventer pour s’adapter à son temps et redonner du souffle à nos démocraties.

 L’équipe de la République en Commun