Mis en cause sur l’origine de leur nom dans un post Facebook écrit par le parti d’extrême droite Reconquête d’Eric Zemmour en Haute-Garonne, Karim Benmiloud, recteur de l’académie de Toulouse, et son prédécesseur, Mostafa Fourar, ont déposé plainte devant le parquet de Toulouse. Leurs avocats dénoncent le délit d’invitation à la haine raciale.
Un acte et une parole raciste décomplexée qui fait froid dans le dos… Dans un raccourci infâme sur le réseau social Facebook, Reconquête 31, la section haut-garonnaise du parti d’extrême droite d’Eric Zemmour, prend pour cibles l’actuel recteur de l’académie de Toulouse, Karim Benmiloud et son prédécesseur au même poste, Mostafa Fourar : « Les deux derniers recteurs de l’académie de Toulouse sont d’origine maghrébine. Toulouse mérite mieux… Jamais 2 sans 3, dit-on !!??? On commence quand la Reconquête du Pays pour inverser la tendance islamo-gauchiste, surtout au regard du niveau scolaire de nos élèves qui ne cesse de se détériorer de jour en jour ! ».
Cette prose aux relents xénophobes, n’a été que timidement amendée par les responsables du parti de Zemmour. Les condamnations ont été très nombreuses sur le réseau social et dans la presse. Cette fermeté républicaine de la part d’élus, de responsables associatifs, de citoyens engagés ou non était à la hauteur de l’attaque indigne qui ne portait pas sur l’action au rectorat de MM. Fourar ou Benmiloud, mais bien sur leurs origines. La méthode de l’extrême droite est hélas éprouvée : diviser au lieu de rassembler, stigmatiser en raison des origines, exclure des citoyens de missions que leur parcours et leur mérite leur ont permis d’obtenir.
La tribune de Mostafa Fourar « Face à l’infamie, le rempart de l’éducation » , publiée dans les colonnes de « La Dépêche du Midi » était empreinte de dignité et de lucidité : « Qu’on ne s’y trompe pas, réduire l’engagement d’un responsable public à une origine supposée ne relève pas d’une simple insinuation. C’est une gifle portée à ce que nous avons de plus précieux, la République et ses valeurs. Ce n’est pas mon nom qu’ils visent, c’est l’égalité. Ce n’est pas ma personne qu’ils désignent, c’est l’institution que je représente (…). Leur but ? Diviser, exclure, fragiliser le socle commun. A ces artisans de la haine, j’oppose un choix clair : servir l’éducation ».
Mostafa Fourar, en est convaincu : « L’école est le creuset où se transmettent les savoirs, où s’invente l’égalité des chances, où s’éprouve la laïcité, où se forge l’esprit critique ».
Plus personnellement, l’ancien recteur, qui occupe aujourd’hui des fonctions de liaison avec le monde de l’entreprise, toujours au sein du ministère de l’Education nationale, rappelle sa méthode de travail et le sens de son engagement : « Dans chacune de mes missions, j’ai toujours porté la même exigence aux côtés des enseignants : libérer les élèves des chaînes du déterminisme, donner à chacun l’opportunité de s’accomplir ».
Puis cette formule à l’encontre des auteurs de ce post de la honte : « Ils divisent. Nous rassemblons. Face à cette offensive, j’oppose un rempart ; celui d’une République unie autour de son école, confiante dans sa capacité à élever chacun et à fédérer ses enfants (…). L’école porte un défi permanent pour la justice sociale, la liberté de penser et la fraternité vécue ». Voilà pourquoi je ne cèderai jamais à ces stigmatisations. Elles expriment une idéologie rance qui cherche à cliver. Mon attachement à une République fidèle à ses valeurs, juste, fraternelle et confiante dans la dignité de chacun, demeure intact ».
Serviteurs de la République, fonctionnaires engagés dans le combat pour un service public de l’école laïque, pétris de valeurs d’humanisme, ces deux recteurs, comme le procureur de la république d’Alès Abdelkrim Grini insulté à cause de son nom, viennent donc s’ajouter au long cortège des cibles de paroles ou d’actes antisémites.
En 2024, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré plus de 16 000 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux sur l’ensemble du territoire français : 9 400 crimes ou délits et 7 000 contraventions. Les contraventions « à caractère raciste » ont augmenté de 6% entre 2023 et 2024, et les crimes et délits de 11 %.
On relève aussi plus de 1 570 actes antisémites recensés, un chiffre toujours très élevé, proche de celui de 2023 : +55 % de signalements en ligne sur la plateforme PHAROS. On note aussi les exactions et dégradations commises dans des lieux de culte chrétiens et devant les mosquées et salles de prières musulmanes également en forte hausse
De l’arbre planté en mémoire de Ilan Halimi, arraché dans la région parisienne aux têtes de cochons déposées devant des moquées, toujours en région parisienne, ces actes racistes, antisémites, xénophobes, homophobes, se multiplient. S’y ajoutent le flot anonyme d’insultes sur les réseaux sociaux, les cris de singes lancés dans les stades, les tags homophobes.
La réponse politique et judiciaire doit bénéficier de moyens à la hauteur de la propagation de cette haine pour traquer et condamner les auteurs. Et il appartient à chacun, à l’immense majorité de celles et ceux qui refusent les appels à la haine, de défendre les valeurs humanistes, tolérantes et solidaires de la République.
L’équipe de La République en Commun