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Pourquoi l’Europe doit repartir à la conquête de l’espace

Publié le 18 juin 2025
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Au moment où s’ouvre le Salon de l’aéronautique et de l’espace au Bourget, le secteur spatial européen prend du retard sur les autres puissances. Pourtant, les usages des satellites sont primordiaux aussi bien pour la vie quotidienne et l’économie que pour la Défense.

Cinquante ans d’expérience, une maîtrise technologique totale, des scientifiques, des entreprises très performantes dans pratiquement tous les pays (Airbus, Thalès, Leonardo), Ariane 6 opérationnelle depuis juillet 2024…  L’Europe dispose d’un écosystème quasi complet pour rivaliser avec les autres puissances spatiales, l’Amérique, la Chine, la Russie et peut-être demain l’Inde. Et pourtant, nous sommes notamment en retard dans le secteur stratégique des lanceurs. En 2023 l’Europe a lancé 3 fusées quand les USA en lançaient 116, la Chine 67 et la Russie 19… Cette même année, l’Inde entrait dans la compétition.

En 2025, la conquête de l’espace n’est ni un objet de puissance ni un rêve d’ingénieur mais un impératif pour nos vies quotidiennes et notre protection. Il suffit de parcourir le salon du Bourget pour mesurer nos capacités. À 23 000 kms au-dessus de nos têtes, un peu plus près des étoiles, l’immensité spatiale est constellée de satellites, qu’ils soient réservés à des usages civils ou à vocation militaire.

Tous les jours, chaque français utilise en moyenne plus de 47 satellites pour ses besoins quotidiens. Calculer un itinéraire sur son smartphone, regarder la télévision, surveiller la météo, obtenir une consultation en télémédecine. Dans la recherche, l’agriculture et l’industrie, les professionnels récupèrent les données fournies par les capteurs qui tournent en permanence autour de la terre pour améliorer leurs pratiques ou explorer de nouveaux domaines.

Les technologies spatiales ruissellent sur des applications dans tous les domaines : être en avance sur le spatial, c’est avancer vers le progrès partout. C’est aussi se protéger. Depuis 2022, les dépenses du militaire spatial dépassent celles du civil. Elles ont progressé de 11% en 2024 à l’échelle mondiale pour atteindre 135 milliards de dollars. Dans un monde secoué de tensions et de conflits armés, la défense repose sur le contrôle des satellites et le contenu de leurs programmes et applications. Or, 70% sont immatriculés de la bannière étoilée. Et le lanceur Space-X est la propriété du milliardaire incontrôlable Elon Musk, sous perfusion des commandes de l’Etat fédéral américain.

En 2025, la conquête de l’espace n’est ni un objet de puissance ni un rêve d’ingénieur mais un impératif pour nos vies quotidiennes et pour notre protection

Comme le souligne Alain Fauré, directeur des Systèmes spatiaux à Airbus Defence and Space : « L’Europe se heurte à 2 écueils : le rapport est de 1 à 5 dans l’investissement public entre les pays de l’UE et les Etats-Unis et nous sommes pénalisés par la fragmentation du projet et des acteurs ». En clair, les crédits et un pilotage à l’échelle européenne manquent et il n’existe pas un champion européen de l’espace comme Airbus l’est devenu pour l’aéronautique. L’Europe se prive d’une doctrine spatiale stratégique et de sécurité alors qu’en 2019, le commandement de l’Espace s’est implanté à Toulouse.

Combler le retard n’est pas seulement une affaire financière. Les programmes manquent de fluidité, faute d’une vision et d’un pilotage communs. Comme pour la défense, de nombreux Etats laissent avancer les pays pionniers, la France en tête, et se contentent de développements moins coûteux sur les applications. Ce manque de liant au plus haut niveau et la dispersion de l’activité rendent les programmes européens moins agiles et moins rapides. Ainsi il est arrivé que des fusées lancent des satellites équipés de technologies vieilles de 10 ans, déjà dépassées par les concurrents. Ces retards ont fragilisé le secteur : Thales Alenia Space a dû supprimer 650 emplois, faute de commandes.

Une situation aussi absurde qu’intolérable quand on mesure les enjeux économiques et stratégiques du secteur spatial.
Face aux géants américain et chinois, l’UE doit avancer collectivement que ce soit pour l’investissement, la recherche et l’organisation économique. Sous peine d’être décrochée, de perdre des emplois et donc de mettre en danger sa sécurité.

L’équipe de La République en Commun