Face aux bouleversements des univers professionnels, aux difficultés du marché de l’emploi et aux aspirations nouvelles des salariés, la parole doit plus que jamais être donnée aux travailleuses et aux travailleurs dans le cadre d’un dialogue social apaisé.
« Aller au travail ». C’est une réalité quotidienne pour plus de 30 millions de nos concitoyennes et concitoyens du public et du privé, et une aspiration pour 6 millions d’autres, en situation de chômage (chiffre en inquiétante progression depuis le début de l’année : +6,4%).
« Aller au travail », c’est malheureusement aussi un droit retiré brutalement à des milliers de salariés ces derniers mois. En Occitanie, je me bats pour les salariés de Safra, de Perrier, de Cabrol, pour les PME, les artisans confrontés aux remboursements des Prêts garantis (PGE) du Covid et à la trésorerie vidée par les factures énergétiques, les agriculteurs qui peinent à dégager un revenu décent de leur travail.
En ce jour de 1er mai, je pense d’abord à tous ces travailleurs, à leurs familles.
En ce 1er mai, je n’oublie pas non plus que la fête internationale du travail tire ses racines dans la douleur et le sang de la lutte des syndicalistes américains pour la journée de 8 heures à la fin du XIXe siècle, et qu’elle a été instaurée comme fête internationale par le congrès de l’internationale socialiste en 1889.
Le travail, c’est à la fois l’émancipation de l’individu et un bien commun, à condition qu’il s’exerce dans la dignité et l’intérêt général.
Aussi, je m’interroge. Comment expliquer que la France donne aussi peu les moyens aux travailleurs d’agir sur leur travail ? Car le travail, c’est le lieu où on l’exerce, les moyens de s’y rendre, le temps qu’on y passe, les personnes qu’on y rencontre, l’engagement qu’on y met, les efforts consentis, la rémunération, les compétences nécessaires, les outils techniques qu’on utilise, l’apport à la société… Qui mieux que les travailleuses et les travailleurs sont en mesure d’éclairer l’action publique sur les moyens d’accorder de la valeur au travail ?
Pourtant, tous les syndicats s’accordent à dire que depuis les ordonnances Macron de septembre 2017, les droits des travailleurs à s’exprimer sur leur quotidien dans les entreprises et sur les territoires s’affaiblissent t : réduction des heures de délégation, des moyens pour rencontrer les salariés, des temps de formation dans une époque où les mutations technologiques obligent à des adaptations très rapides.
En France, la réforme des retraites de 2023 passée en force, les différents épisodes scandaleux de réduction des droits des chômeurs, les mobilisations dans les fonctions publiques pour réclamer l’augmentation du point d’indice, sont des signaux d’alarme : le dialogue et les solutions concertées peinent à voir le jour sur le travail.
Pourtant, si les conditions de réalisation du travail tout au long des parcours professionnels et sa valeur étaient mieux prises en compte, il serait possible d’éviter de nombreux accidents du travail, l’usure, le burn out. Le travail deviendrait le vrai facteur d’épanouissement et de construction de soi qu’il devrait être pour toutes et tous. Confronté au bouleversement de l’Intelligence artificielle, au réchauffement climatique, à l’intensification, mais aussi au besoin de trouver du sens à son activité professionnelle, le travail mérite mieux que des conflits ou de l’impensé.
Il doit au contraire se poser comme un objet de dialogue, un sujet de vitalité de la démocratie. Le politique doit entendre ce que ces dizaines de millions de personnes ont à dire pour (re)valoriser leur activité, par l’augmentation des salaires, la formation, l’amélioration de la qualité de vie au travail…
Je suis convaincue qu’il peut devenir un bel objet de consensus dès lors que la loi permettra de plus et mieux en parler, et que les stratégies de nombre d’entreprises ne reposeront plus uniquement sur la réduction du coût du travail pour l’intensifier, au détriment de la qualité des productions, de l’investissement dans les qualifications et la montée en gamme de nos productions notamment industrielles.
Au moment où les plans sociaux se multiplient, plongeant salariés, familles, territoires dans l’inquiétude et parfois la défiance à l’égard des décideurs, je plaide pour que l’Etat accorde de nouveaux moyens aux travailleurs de défendre leur travail. Pour le bien commun et la démocratie !
Carole Delga