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L’impôt est compris s’il est juste et utile à tous

Publié le 10 mai 2025
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La politique fiscale conduite depuis huit ans a creusé la dette, les déficits et le sentiment d’inégalité chez beaucoup de citoyens. Pour redresser les comptes publics, renforcer les services publics et investir dans l’économie de demain, il faudra dégager de nouvelles recettes en taxant les superprofits et les plus riches.

Des hôpitaux, des écoles, des lignes de chemin de fer, des logements pour les étudiants, des maisons de retraite, des gendarmeries, des crèches, des laboratoires de recherche… La liste n’est pas exhaustive des réalisations et investissements qui permettent aux citoyens de constater dans leur vie quotidienne, l’utilité de leurs prélèvements sociaux et fiscaux.

En remplissant la déclaration d’impôt sur les revenus de 2024, le contribuable est néanmoins en droit de s’interroger sur les milliards engloutis dans le gouffre des intérêts de la dette souveraine de la France encaissés par nos créanciers, le plus souvent situés loin de nos frontières. Les querelles d’experts et les controverses sur les estimations de l’ampleur des déficits et de la dette ne doivent pas occulter la réalité de nos finances publiques : il manque de l’argent dans les caisses de l’Etat. Donc il manque de l’argent pour soutenir, améliorer, renforcer nos services publics, piliers de notre République et fondements du vivre ensemble dans le pays

Par facilité, la droite explique que le pays vit au-dessus de ses moyens et doit se serrer la ceinture. Les deniers publics doivent certes être gérés avec sérieux et bon sens comme dans un ménage.

Mais une politique de rigueur comme celle menée par le gouvernement Fillon en 2008 se traduit par moins de policiers, moins de professeurs, moins de chantiers pour nos entreprises, moins d’infirmières dans nos hôpitaux. Elle aboutit indirectement d’une part à la dégradation voire à la suppression des services publics, d’autre part à la privatisation, donc à des inégalités insupportables.

Le camp présidentiel justifie cette impasse budgétaire par les factures énergétique de la guerre en Ukraine et le « quoi qu’il en coûte » nécessaire pendant la crise sanitaire. La réalité est ailleurs :  la politique fiscale généreuse pour ceux qui avaient pourtant les moyens de contribuer a privé les finances publiques de recettes nécessaires. Face aux députés de la commission des Finances, l’économiste Eric Heyer de l’office français des conjonctures économiques (OFCE) l’a démontré de façon implacable : « À partir de 2017, les dépenses publiques représentaient 57 points de la richesse nationale (le produit intérieur brut, PIB) et les recettes, 54 points, soit trois points de déficit. Aujourd’hui, les dépenses publiques sont encore à 57 points, en revanche, les recettes sont passées de 54 à 51. Automatiquement, le déficit est passé de trois à six points de PIB ».

S’il observe aisément l’apport de ses impôts à la collectivité, le contribuable doit également voir clairement que sa contribution est un instrument de la redistribution des richesses et un outil de solidarité entre ceux qui possèdent beaucoup et ceux qui n’ont plus rien avant la fin du mois.
Carole Delga

L’économiste détaille ces pertes de recette : «  Depuis 2019, un certain nombre de baisses d’impôts ou d’annulations de contributions qui datent d’avant la crise sanitaire sont entrées en vigueur alors qu’on n’a jamais cherché à trouver un financement en face pour compenser la perte de recettes : l’annulation de la taxe d’habitation sur les 20% les plus riches, les baisses d’impôts de production, le prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus financiers et les valeurs mobilières, la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, la hausse de la prime d’activité en réponse aux gilets jaunes ou encore l’annulation de la taxe carbone sur les carburants en 2019 qui aurait dû servir à financer un certain nombre de mesures qui n’ont pas été supprimées et qui ont coûté cher ».

Donc, l’Etat a été contraint d’emprunter plus pour honorer les dépenses déjà existantes et les nouvelles mesures.

Poursuivre sur cette voie de baisses d’impôts qui profitent aux plus nantis obligerait à souscrire de nouvelles dettes, donc à dépendre davantage du marché ou pire de fonds liés à des puissances étrangères.

Pour redresser nos comptes, pour préserver notre modèle social mais aussi pour relancer la machine économique et relever le défi de la transition écologique, nous n’avons pas d’autre choix que de chercher de nouvelles recettes en taxant davantage les superprofits et les plus riches, les revenus des dividendes et les produits de luxe. S’il observe aisément l’apport de ses impôts à la collectivité, le contribuable doit également voir clairement que sa contribution est un instrument de la redistribution des richesses et un outil de solidarité entre ceux qui possèdent beaucoup et ceux qui n’ont plus rien avant la fin du mois. Cela s’appelle la justice fiscale.

L’impôt est compris s’il est utile à tous et s’il est juste. C’est la base d’une société apaisée et d’une démocratie responsable

Carole Delga