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La bataille de l’emploi doit tous nous remobiliser

Publié le 05 mai 2025
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Plans sociaux, chute des recrutements, défaillances d’entreprises : l’emploi doit être replacé au centre de l’action politique pour réindustrialiser et équiper le pays, protéger les entreprises et les salariés, former aux nouveaux métiers. Cela demande des décisions financières et juridiques fermes mais aussi de rétablir un climat de confiance et d’apaisement dans le pays.

Dans les villes moyennes et les sous-préfectures, l’annonce du plan social dans le groupe GIFI a suscité émotion, étonnement et inquiétude. Sans doute parce qu’il s’agit d’une marque de magasins populaires et de proximité. Ces licenciements économiques s’ajoutent à des centaines d’autres dans la grande distribution (Auchan, Casino…). Pour ces plans sociaux médiatisés, combien de petits et moyens commerces, de boulangeries tirent définitivement le rideau de fer dans nos villes moyennes et nos bourgs faute de rentabilité ou de successeur au moment de la retraite ?

Dépendant de la consommation des ménages, le commerce subit depuis 3 ans la perte de pouvoir d’achat qui affecte la grande majorité des familles en raison notamment de la flambée des tarifs de l’énergie et de l’alimentation. La construction ne se porte pas mieux : à peine 300 000 logements neufs construits en 2024 quand le besoin est estimé à 500 000 par an, 12% d’effectifs en moins dans le BTP, 17 000 agences immobilières fermées.

Quant à l’industrie, comme le démontre l’annonce d’ArcelorMittal (630 postes supprimés en France 1400 dans l’UE), elle subit en même temps la hausse des coûts des matières premières et la poursuite des délocalisations. Les effectifs de la construction automobile dans le pays sont passés cette année sous la barre des 100 000 salariés, soit moitié moins qu’au début du siècle (198 000).

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Les demandeurs d’emploi en France au 1er trimestre 2025 (DARES)

La banque de France relève 64 000 défaillances d’entreprises en un an, le conseil national des administrateurs judiciaires dénombre 165 000 postes supprimés par des procédures collectives. La CGT avance 327 000 emplois menacés par des plans sociaux en 2025. France Travail enregistre une baisse de 16,3% des offres d’emploi par rapport à l’année 2024. En pleine période de recrutements pour les jobs d’été, les offres dans les bassins d’emploi du littoral méditerranéen ont en moyenne baissé de 12,5%. Partout, les élus locaux se battent pour empêcher des fermetures d’entreprise.

Quelque 6 millions de personnes cherchent du travail après cinq trimestres consécutifs de hausse du chômage. « La crise du marché de l’emploi est profonde » concluent unanimes tant la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, que le président du Medef, Patrick Martin.

La bataille de l’emploi se gagne toujours dans un climat de confiance entre les pouvoirs politiques, les dirigeants d’entreprises et les salariés

Le plein emploi promis par le président de la République est un mirage. Une politique de l’offre était nécessaire en 2012 pour relancer la croissance, l’investissement et les recrutements après les deux crises financières du début du siècle (subprimes et dettes souveraines). Mais la poursuivre comme politique économique exclusive sans contreparties pour les entreprises qui dégageaient des profits, sans planification ni protections pour recouvrer une souveraineté industrielle, sans investissements dans les infrastructures, la décarbonation des activités et des logements, sans crédits pour l’adaptation aux nouveaux métiers, exposait des milliers d’emplois à la moindre turbulence de l’économie mondiale. Nous y sommes.

Malgré les multiples avertissements des économistes et élus locaux, cet entêtement à croire à un ruissellement de la richesse pour déclencher mécaniquement des embauches et des hausses de salaires s’achève sur un bilan social désastreux. Les plus fortunés se sont enrichis. Les plus précaires, les salariés les plus modestes et même les classes moyennes perdent du pouvoir d’achat quand ce n’est pas leur travail. Si ce « laisser-faire » continue, des fleurons industriels de notre pays et donc des millions d’emplois dépendront du bon vouloir du marché, à l’image de Doliprane vendu par Sanofi à un fonds de pension américain.

Face à cette dégradation brutale du marché du travail, aucun levier ne peut être négligé, pas même la voie législative. Nationaliser, ériger des protections douanières contre le dumping social et environnemental sans tomber dans la pyromanie outrancière de Donald Trump, conditionner des aides au maintien de l’emploi : pourquoi ces sujets seraient-ils tabous ? Pourquoi ne pas prélever plus sur les superprofits des multinationales, sur les contributions des gros patrimoines, sur l’argent dormant destiné uniquement à générer plus d’argent afin de financer la décarbonation des transports, l’isolation de logements, la transition énergétique, l’adaptation au numérique et à l’Intelligence artificielle, la revalorisation de métiers indispensables dans les Ehpad, les crèches, les écoles ?

En 1945, juste avant sa mort, Franklin D. Roosevelt décida de surtaxer les « 1000 milliardaires » pour financer le plan Marshall de reconstruction de l’Europe. Pour planifier, pour investir, pour bâtir une Défense souveraine et aussi pour rétablir la justice fiscale et sociale, la France et l’UE ont besoin de nouvelles ressources.
La bataille de l’emploi se gagne toujours dans un climat de confiance entre les pouvoirs politiques, les dirigeants d’entreprises et les salariés. L’immense majorité des « patrons » sont patriotes. L’immense majorité des salariés aiment leur travail et veulent qu’il soit utile à la société.

Souvent, loin des projecteurs et des mouvements financiers du CAC40, beaucoup s’accrochent ensemble pour « sauver leur boite » et ses emplois. Ce dialogue social est vital. Il existe au quotidien dans les entreprises, dans les collectivités. Mais il a été rompu au niveau national par des gouvernements aux méthodes verticales et sans considération pour les corps intermédiaires.

Nous devons au plus vite déployer des moyens juridiques et financiers et apaiser le pays pour briser cette spirale des plans sociaux et du chômage.

Parce que nous sommes de gauche, nous croyons en une société fondée sur le travail qui émancipe l’individu et crée du collectif en rendant un service au public et en redistribuant la richesse. Encore faut-il que tout le monde ait accès à un travail.

L’équipe de La République en Commun