La profession médicale connaît de profonds bouleversements. Plus jeune, plus féminine, plus souvent salariée, elle dessine un nouveau paysage de la santé en France. En Occitanie, la Région mise sur un modèle innovant de centres de santé pour répondre à l’urgence et aux attentes d’une génération de médecins en quête de sens et d’équilibre.
Comment faire reculer le désert médical ? Cette question agite la profession mais aussi les politiques, conscients d’une rupture de l’égalité devant l’accès aux soins, partie intégrante du Pacte républicain. L’absence de médecins fragilise les territoires ruraux, n’épargne pas les quartiers populaires et gagne désormais villes moyennes et métropoles.
Et pourtant, le nombre de médecins augmente en France. D’après le Conseil national de l’Ordre de Médecins, ils sont 241 300 en activité début 2025, soit 12 % de plus qu’en 2010. La fin du numerus clausus et la mise en place du numerus apertus, plus souple, commencent à produire leurs effets. Mais ce n’est pas qu’une affaire de chiffres : c’est toute la profession qui évolue.
Le changement est visible à plusieurs niveaux. D’abord, les visages. Le rajeunissement et la féminisation des docteurs en médecine constituent d’indiscutables réalités. La moitié des médecins en activité sont désormais des femmes quand elles ne représentaient que 40% des effectifs en 2010. Ces nouveaux profils bousculent les habitudes, avec d’autres aspirations. Ils veulent soigner, oui, mais pas à n’importe quel prix. Ils veulent aussi du temps pour vivre.
Le rajeunissement des cadres est aussi prégnant, les moins de 40 ans représentant plus de 30% des effectifs contre 16% il y a 15 ans. La dynamique est donc réelle. Reste désormais, et ce n’est pas le plus facile, à les convaincre de s’installer dans les zones tendues afin de résorber les trop fameux déserts médicaux. « Je faisais partie de celles et ceux qui avaient anticipé ce phénomène irréversible, souligne le Vice-Président délégué à la Santé, le Professeur Vincent Bounes, par ailleurs directeur du SAMU de Toulouse. Les jeunes qui veulent devenir médecins souhaitent également avoir une bonne qualité de vie. C’est comme ça et c’est bien compréhensible. Ne pas le savoir et ne pas en tenir compte serait aller à l’échec ».
Ce besoin d’équilibre contribue à l’essor d’un phénomène longtemps marginal : le salariat. En 2025, près d’un médecin sur deux est salarié. L’activité exclusivement libérale concerne désormais seulement 42% des médecins, 17% ayant choisi l’exercice mixte (libéral et salarié). Cependant, l’activité libérale reste prédominante chez les généralistes.
Le docteur Véronique Garin, qui exerce en tant que généraliste libérale à Sébazac, dans l’Aveyron, et qui est également déléguée du syndicat MG France pour l’Occitanie n’ignore rien du phénomène en cours : « Nous savons que certains médecins, notamment les femmes, ont besoin d’un certain confort de travail au niveau des horaires, du rythme de travail. Le salariat peut donc constituer une formule intéressante. Mais nous devons avoir conscience aussi, quel que soit le mode d’exercice, de la permanence des soins qui est très importante au niveau déontologique. Les deux formules doivent pouvoir fonctionner ensemble ».
Dans ce contexte mouvant, des collectivités n’ont pas attendu les grandes réformes nationales pour bouger. En lien avec les communes et les intercommunalités, la Région Occitanie a ainsi décidé très rapidement de dépasser ses compétences pour conduire une politique offensive de lutte contre les déserts médicaux et pour la santé du quart d’heure : « Nous proposons un véritable service public de la santé. Cela ne traduit pas une volonté de régionaliser la santé mais nous avons choisi d’agir. Et fort », explique Vincent Bounes.
La Région a ainsi créé le Groupement d’Intérêt Public (GIP) Ma Santé, ma Région qui a permis de recruter 100 médecins, soit déjà la moitié de l’objectif affiché en 2021, et d’ouvrir 22 centres de santé : quelque 31 000 personnes ont pu retrouver un médecin traitant, le cap des 300 000 consultations a été dépassé. La route est encore longue mais les premiers examens sont positifs !