Les violences sexistes et sexuelles s’intensifient, les féminicides se répètent et les politiques publiques restent largement insuffisantes. Une stratégie ambitieuse en matière de lutte contre les violences envers les femmes peut sauver des vies comme le démontre l’Espagne. La France reste dramatiquement en retard. Il est temps d’agir.
La semaine dernière, cinq femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Depuis le 1er janvier 2025, 145 femmes ont été tuées par un homme. En 2024, 1 283 femmes ont été victimes de féminicides directs ou indirects, ou de tentatives de féminicides conjugaux. En France, on meurt encore parce qu’on est une femme.
Selon la Miprof – Mission interministérielle pour la protection des femmes –, trois femmes sont victimes chaque jour d’un féminicide ou d’une tentative de féminicide conjugale : une toutes les sept heures. Et les associations estiment que la réalité est encore plus sombre.
Les violences sexuelles suivent la même trajectoire : toutes les deux minutes, une femme est victime de viol, tentative de viol ou agression sexuelle. Toutes les vingt-trois secondes, une femme subit du harcèlement ou des actes à caractère sexuel non sollicités.
Ces chiffres disent l’urgence de protéger les femmes des violences. En ce 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, il convient de le rappeler avec force.
Le rappeler avec force et appeler à agir, c’est considérer ce qui fonctionne chez nos voisins. L’Espagne, par exemple, prouve qu’une autre réalité est possible. En seize ans, le pays a réduit d’un tiers les féminicides conjugaux grâce à une politique de tolérance zéro : une loi plus protectrice qu’en France, des personnels mieux formés et des moyens à la hauteur avec près d’un milliard d’euros par an pour protéger les femmes. En France, environ 184 millions d’euros, quand la Fondation des Femmes estime les besoins à 2,6 milliards.
Surtout, l’Espagne a adopté dès 2004 une loi de protection intégrale contre les violences de genre : tribunaux spécialisés, suivi renforcé, protection coordonnée au niveau national. Depuis 2009, le bracelet anti-rapprochement est obligatoire pour les agresseurs — il faudra attendre 2020 pour la France, où le bilan du dispositif reste insuffisant.
En Espagne, dès qu’une femme porte plainte, le dispositif VioGén se déclenche : juge, police, procureur, services sociaux se mobilisent immédiatement. Résultat : les Espagnoles portent plainte quatre fois plus que les Françaises, car elles savent qu’elles seront entendues et protégées.
La France avance : accueil différencié dans les commissariats, sanctions renforcées pour les auteurs, traitement médiatique plus responsable. Mais ces progrès restent trop lents face à l’ampleur des violences. Formation, prévention, détection, législation, moyens : tout doit être renforcé, sans exception.
Les collectivités jouent également un rôle essentiel. La Région Occitanie à son échelle mène des campagnes de prévention et soutient des projets associatifs, comme Via Femina dans le Gard, qui accompagne 250 femmes victimes de violences dans leur réinsertion sociale. Une étude portant sur les racines des violences faites aux femmes a également été financée avec le département du Gard.
Le 25 novembre, deux magistrats — Gwenola Joly-Coz et Éric Corbaux — ont remis un rapport au Garde des Sceaux. Ils y formulent dix mesures à déployer d’ici cinq ans, parmi lesquelles :
- Instaurer un contrôle coercitif renforcé des agresseurs, incluant la géolocalisation permanente
- Repérer systématiquement les signaux d’alerte dans les dossiers (strangulations, menaces de mort…) ;
- Expérimenter un juge des violences intrafamiliales accompagné de chambres spécialisées, sur le modèle espagnol
- Créer un code des VIF (violences intrafamiliales) ;
- Remplacer la notion de « classement sans suite » par celle d’un « enregistrement sans poursuite», plus entendable pour les victimes.
- Mettre en place un outil statistique officiel recensant les féminicides.
Ces recommandations doivent être considérées. Le Conseil de l’Europe alertait déjà en septembre sur le faible taux de poursuites des auteurs de violences contre les femmes, jugé « particulièrement préoccupant » en France.
Chaque mort est un échec collectif. Chaque plainte ignorée, chaque alerte non entendue, chaque femme laissée seule est une responsabilité partagée. Nous savons ce qui fonctionne et qui cela sauve. Aucune femme ne devrait plus mourir pour ce qu’elle est.
L’équipe de La République en Commun