Le 12 décembre 2015 à Paris, 195 pays s’engageaient à contenir le réchauffement climatique sous les +2 °C d’ici 2100. Dix ans plus tard, cet objectif paraît hors d’atteinte. La COP30 s’est achevée il y a quelques jours au Brésil sur un bilan bien timide. Où en sommes-nous vraiment ?
Il est 19h29 ce 12 décembre 2015 lorsque Laurent Fabius, président de la 21e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), abat, ému, son marteau sur le pupitre. Le ministre des Affaires Etrangères scelle un accord longuement applaudi dans la salle plénière du Bourget : « L’accord de Paris sur le climat est accepté » déclarait-il alors.
Historique, cet accord l’est. 195 pays ont signé ensemble une promesse : celle contenir le réchauffement climatique maximum à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels (1850) et de poursuivre les efforts pour le contenir à +1,5°C à horizon 2100. Le monde se dirigeait alors vers un réchauffement à +4°C avant la fin du siècle.
Dix ans après, les COP ont passé, Donald Trump a été élu, puis réélu, président des Etats-Unis d’Amérique, faisant sortir à deux reprises son pays de cet accord. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), les engagements climatiques des États conduisent désormais à un réchauffement compris entre 2,3 à 2,5°C d’ici à 2100, « en supposant leur mise en œuvre complète ». Se contenter des politiques actuellement en place conduirait à +2,8°C d’ici à 2100. Loin de l’objectif poursuivi en 2015…
Alors, où en sommes-nous vraiment et quel chemin a été parcouru depuis dix ans ?
Des émissions en hausse… mais qui commencent à se stabiliser
Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le répètent : au rythme actuel, impossible de rester sous 1,5 °C.
Il faudrait réduire les émissions mondiales de 42 % d’ici 2030, et de 57 % d’ici à 2035. Nous en serons, au mieux, à –4 % en 2030 par rapport au niveau de 2019… Très loin des ambitions affichées par l’Accord de Paris, donc, dont l’un des premiers objectifs était que les pays signataires parviennent « au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais ».
Pourtant, des évolutions majeures sont perceptibles :
- 107 pays représentant 82 % des émissions ont désormais des objectifs climatiques chiffrés.
- Dix membres du G20 ont déjà atteint leur pic d’émissions, dont l’Union européenne.
- En 2025, la Chine — 30 % des émissions mondiales — a, pour la première fois, enregistré une baisse de ses émissions sur un an.
- Depuis 2015, les émissions mondiales n’ont augmenté que de 1,2 %, contre +15 % sur la décennie précédente.
Pour autant, les effets du réchauffement s’accélèrent.
En 2024, la température moyenne à la surface de la Terre a franchi pour la première fois le seuil de 1,5 °C.
La concentration de gaz à effet de serre continue d’augmenter : si rien ne change, nous nous acheminons vers un réchauffement de la température de la planète compris selon les scientifiques entre 2,6 et 3,1 °C d’ici à la fin du siècle. Et ce, alors même que les effets du réchauffement climatique se font déjà durement ressentir : Les océans se réchauffent plus vite que les prévisions ne l’envisageaient et les événements climatiques extrêmes se multiplient : sécheresses, inondations, cyclones, vagues de chaleurs et méga-feux…
L’été 2025 l’a tragiquement rappelé. L’Europe a battu des records d’incendies. Pour la première fois, plus d’un million d’hectares de forêt ont brulé – l’équivalent d’un département comme la Gironde. Conséquence : les plus fortes émissions de carbone jamais enregistrées depuis le début des relevés, selon Copernicus. En France, l’Occitanie a été particulièrement touchée : 17 000 hectares, soit 30 000 terrains de football, ont été ravagés dans le massif des Corbières (Aude), lors d’un incendie « hors normes », le pire depuis cinquante ans dans la région.
Les experts sont unanimes : les dix dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées autour du globe : en 2024, les températures moyennes mondiales étaient déjà 1,5°C au-dessus de la moyenne préindustrielle.
Le pari est-il pour autant définitivement perdu dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Si la hausse des températures ces dernières années est alarmante, les progrès accomplis depuis 2015 sont bien réels. Ne nous trompons pas : l’ampleur des défis reste colossale. Mais l’Accord de Paris a bel et bien infléchi la trajectoire mondiale en matière d’action climatique et ouvre encore la possibilité de contenir la hausse des températures d’ici la fin du siècle.
Un accord de référence pour le climat
Un accord pour rien ? Pas si sûr.
Avec l’Accord de Paris, premier traité international de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la trajectoire mondiale se situe entre +2,6 °C et +2,8 °C en 2100. Sans lui, nous serions à +4 à +5 °C. Evidemment, c’est encore beaucoup trop. Mais cela démontre une chose : l’action collective fonctionne lorsqu’elle est forte, coordonnée et résolue. En renforçant et démultipliant les actions à l’échelle internationale, il est encore possible de préserver la limite à +2°C d’ici à 2100.
L’Accord de Paris reste surtout une référence de l’action climatique mondiale.
Chaque pays est tenu d’établir, tous les cinq ans, des contributions déterminées au niveau national (CDN) détaillant les efforts de chacun pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique. Par ailleurs, comme le rappelle Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, « dix ans après l’accord de Paris, il n’est plus aucun pays, ou presque, qui n’ait instauré une loi climat ou un plan pour le climat ».
De fait, la mobilisation après 2015 a été mondiale : Etats, entreprises, villes et territoires ont ainsi adopté des stratégies « zéro émission nette ». Les acteurs financiers sont de leur côté désormais contraints d’intégrer les risques climatiques et réorientent progressivement leurs investissements vers les énergies renouvelables et les solutions bas carbone.
L’explosion des énergies renouvelables
C’est sans doute la transformation la plus spectaculaire : depuis dix ans, les capacités de production d’énergie solaire et éolienne explosent et dépassent toutes les projections.
Aujourd’hui, plus de 90% des nouvelles installations de production d’électricité sont d’origine solaire et éolienne, et au premier semestre 2025, les énergies décarbonées – renouvelables et nucléaire – ont même détrôné le charbon en fournissant 41% de l’électricité mondiale.
L’Accord de Paris pour le climat a ainsi transformé nos économies en ouvrant un marché grâce aux objectifs de baisse d’émission de gaz à effet de serre. Les investissements mondiaux dans les énergies propres ont ainsi atteint 2 000 milliards de dollars, deux fois plus que dans les énergies fossiles, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Une évolution majeure du droit international
L’accord de Paris a aussi fait bouger les lignes juridiques.
La reconnaissance du principe de justice climatique et la décision historique de la Cour internationale de justice de La Haye, en juillet 2025, établissant la responsabilité directe des États signataires sur les effets de leurs émissions, marquent une avancée majeure. Désormais, des réparations financières peuvent leur être réclamées.
Les entreprises sont également davantage exposées à des recours pour non-respect de leurs engagements environnementaux.
Désormais, le droit international peut être interprété à la lumière de l’urgence climatique.
Malgré de réelles avancées, le constat reste implacable : la trajectoire actuelle n’est pas la bonne.
Les financements historiques promis aux pays en développement par les pays riches — 100 milliards par an — restent largement inférieures, souvent octroyés sous forme de prêts. Oxfam estime que les contributions réelles tournent autour de 28 à 35 milliards : à peine un tiers de l’engagement.
L’Accord de Paris n’a pas et ne peut pas, à lui seul, tout changer et inverser le cours du réchauffement. Mais il reste notre boussole commune. Le cadre établi en 2015 donne un cap à l’action climatique mondiale : sortir des énergies fossiles, financer équitablement la transition et garantir qu’elle devienne juste pour tous.
Dix ans après l’accord de Paris, quelques jours après la COP30, le monde n’a plus le luxe d’attendre. Notre objectif doit être simple et radical : engager enfin la décennie de l’action climatique, celle qui transforme les promesses en résultats.
L’équipe de La République en Commun