« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire ; elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire » déclarait François Mitterrand en 1982. Quatre décennies plus tard, sa phrase reste d’actualité pour rendre l’action publique plus efficace et rétablir la confiance entre le peuple et ses dirigeants.
La décentralisation est l’une des réponses fortes à la profonde crise de confiance que nous traversons et au casse-tête budgétaire paralysant pour le pays. Cette conviction, l’immense majorité des maires l’ont exprimée au congrès de l’Association des maires de France (18-21 novembre). Les présidents de région, réunis au Palais des Congrès de Versailles le 6 novembre, et ceux des départements, en assemblée générale à Albi le 12 novembre, aboutissent à la même conclusion : un nouvel acte de décentralisation s’avère absolument indispensable.
1. C’est une aspiration des Français.
Selon un sondage IFOP, 64%des personnes interrogées se déclarent favorables à diverses mesures de renforcement des Régions notamment pour lutter contre les déserts médicaux, aider les entreprises à se développer, lutter contre le dérèglement climatique… Selon une autre enquête de l’institut Ipsos, 69% de nos concitoyens font confiance à leur maire contre 16% au gouvernement pour améliorer leur vie quotidienne. Enfin le baromètre Ipsos-BVA des Départements de France confirme l’attachement de 88% des Français à leur département de résidence. Ces derniers saluent l’action de leur conseil départemental pour ce qu’il a réalisé sur le réseau routier et les dispositifs d’aides à domicile pour l’aide aux personnes âgées et handicapées.
Cette convergence de sondages doit être interprétée comme une aspiration à rapprocher la décision et l’action politique du citoyen.
2. L’Etat a d’autres chats à fouetter
Guerre aux portes de l’Europe, impératif de renforcer la cohésion de l’UE, traités internationaux (Mercosur), intelligence artificielle, lutte contre le narcotrafic, tribunaux surchargés, prisons indignes, compétition féroce dans la recherche et le spatial : dans le contexte international secoué de tensions et la situation budgétaire tendue du pays, l’Etat ne peut diluer son action sous peine de s’affaiblir. Seul un Etat fort pourra se montrer à la hauteur des enjeux de Défense, de protection des biens et des personnes, d’anticipation sur les grands enjeux diplomatiques stratégiques et économiques. La France a besoin d’un Etat fort pour qu’il puisse remplir ses missions régaliennes. Il le deviendra s’il confie les missions du quotidien aux Régions en matière de logement, de santé, d’éducation, de culture, d’aménagement du territoire, de social, d’aides aux entreprises.
3. Compromis, souplesse, proximité, gestion : les élus locaux ont du savoir faire
La première des réponses aux défis climatiques, sociaux, économiques posés à nos campagnes, c’est l’initiative venue du terrain. L’élu d’un territoire connait la vie des gens, les écosystèmes naturels et économiques mieux que quiconque et peut en appréhender les réalités économiques, sociales et écologiques. La solution aux attentes de nos compatriotes ne se construit pas dans un cabinet ministériel à Paris ou un cabinet conseil grassement payé. Elle est sur le terrain. Les collectivités locales savent embarquer les acteurs socio-économiques, la population, les associations pour construire et conduire les projets en dépassant les clivages politiques. Les compromis que l’Assemble Nationale ne trouve pas, toute l’année, les élus régionaux, départementaux, communaux savent les construire.
Depuis la sortie de la crise sanitaire, le cadre budgétaire restreint imposé par la baisse des dotations de l’Etat a demandé aux collectivités de s’adapter et d’innover pour maintenir leurs finances à flot et préserver leurs capacités d’investir. Elles ont fait leurs preuves comme gestionnaires et continuent, sur le terrain, de porter des réalisations majeures, d’aider des entreprises, d’innover dans des domaines aussi différents que l’accueil périscolaire, la lutte contre les déserts médicaux ou l’habitat durable.
4. La centralisation génère de l’inégalité territoriale
Notre pays connaît à la fois des zones de déclin démographique et d’autres où la croissance se poursuit. La centralisation aboutit insidieusement, et pas seulement en France, à un sentiment d’abandon dans les campagnes, de relégation dans les zones périurbaines, les quartiers prioritaires et les territoires désindustrialisés. Autant l’Etat doit par la fiscalité garantir une solidarité nationale, autant il n’est pas en mesure de corriger sur le terrain les inégalités à l’échelle d’une Région, d’un département, d’une ville.
Ne tombons pas dans la démagogie et la facilité en prétendant que supprimer un niveau de collectivité locale résoudra les déficits budgétaires. C’est faux et surtout ce serait une dégradation du service rendu à la population.
Une clarification des compétences entre collectivités sera cependant nécessaire tout comme une réflexion sur l’implication des partenaires sociaux dans la gestion de certains organismes (CPAM ; URSAAF, France Travail). Une simplification est aussi attendue par les citoyennes et les citoyens qui doivent savoir à qui s’adresser sur les différents sujets du quotidien. Après les lois Defferre de 1982 et la loi Notre de 2015 sur les grandes régions portées par les socialistes, renforcer les libertés et les pouvoirs de décision des élus locaux est le moyen d’apporter une réponse efficace aux défis de notre époque.
L’équipe de La République en Commun