Metropolitain : Vous avez choisi d’instaurer le premier Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines en France. Quelles urgences ou constats vous ont poussé à initier cette démarche inédite ?
Carole Delga : C’est, tout d’abord, la conviction que nous devons faire vivre la laïcité. Je m’explique : la laïcité ne se pratique pas exclusivement dans les livres d’Histoire et de Droit, bien que ce soit essentiel, dans les colloques ou sur les plateaux TV, mais elle se nourrit, se construit, s’expérimente au quotidien, dans la vie de chacune et chacun d’entre nous. Je le rappelle souvent aux plus jeunes que je rencontre : Notre République a pour mission à la fois d’assurer la liberté de conscience de tous et de garantir la liberté de culte. C’est une immense chance, fruit de combats acharnés, après des siècles de guerres de religion sur notre territoire national. Il faut que cette chance soit ressentie partout et par tous comme telle. L’éducation joue un rôle majeur pour que notre jeunesse se sente dépositaire de la laïcité : à l’école, dans les associations, en formation professionnelle, dans les clubs de sport, etc. Par ailleurs, nous ne pouvons plus ignorer le terrain numérique : réseaux sociaux, vidéos en ligne, influenceurs… une grande partie des représentations des jeunes s’y construit désormais. La République doit y être présente, claire, accessible et audible. Dans chacun de ces espaces, il s’agit de créer de la compréhension, de l’adhésion, du commun autour de ce que représente aujourd’hui la loi de 1905.
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En quoi la laïcité peut-elle être un outil de lutte contre les extrémismes, les discriminations et les replis identitaires ?
Notre pays s’est construit sur la base de multiples identités et migrations : Les celtes, les francs, les romains, les wisigoths… puis les bretons, les basques, les occitans, les catalans, les italiens, les espagnols, les polonais, les algériens, les marocains… Tout cela c’est la France multiple, riche de mélanges, d’hybridations, idées que développe si bien la philosophe Gabrielle Halpern. J’aurai le plaisir de la recevoir ce jeudi (4 décembre) pour une rencontre-débat à la Cité de l’économie et des métiers de demain à Montpellier. C’est une France diverse qui ne contredit pas l’unité citoyenne de notre modèle universaliste, qui ne trie pas en fonction du lieu où l’on nait. Les replis identitaires revendiqués par l’extrême droite, les Le Pen, Zemmour et leurs alliés, sont des fantasmes et des mensonges qui justifient toutes les discriminations. Notre République peut et doit encore progresser pour assurer à ses enfants la réalité de la devise républicaine. Encore trop de discriminations empêchent l’embauche, l’accès à un logement, parfois même à des loisirs. C’est intolérable. Et ne soyons pas naïfs : chaque fois que la République manquera à sa promesse, nous trouverons des populistes d’une part et des intégristes d’autre part pour laisser croire que leur modèle rétrograde est plus efficace que notre modèle républicain. Se battre pour la République, c’est se battre pour la Laïcité.