Lorsque vous avez lancé « Les Rencontres de la Gauche » de Bram, en 2021, vous insistiez sur la nécessité pour celle-ci de rebâtir un « projet de société ». Au vu de la situation politique actuelle, il y a plus qu’urgence, non ?
En effet, plus que jamais. Depuis de nombreuses années, la gauche souffre de ne plus avoir de récit politique. Elle s’est laissée enfermer dans la bataille des égos, du présidentialisme, des primaires, des procédures, et des querelles d’appareils. Dans son histoire, la gauche a créé de l’espoir quand elle a proposé une véritable alternative, un chemin, un cap pour la France, en s’adressant à toutes les composantes de la société sans exclusive. Non dans l’incantation, la provocation ou le slogan, mais en partant du réel, de la réalité de vie de nos concitoyens. Un projet juste et crédible pour réconcilier les Français avec leur pays et la politique, pour rassembler les citoyens, pour réenchanter l’idéal républicain. Nous devons redonner confiance par nos propositions, par notre discours. Cela nécessite de sortir de l’entre soi, de travailler avec courage et humilité.
Vous portez l’idée de « concilier » pour « réconcilier ». C’est la méthode Delga ?
Comme beaucoup de Français, je ne supporte plus cette société de l’affrontement permanent, une société où la violence, verbale mais aussi physique, prend petit à petit le dessus, une société où les discriminations de toute sorte, le racisme et l’antisémitisme deviennent banals. Ce n’est pas cela, notre France ! À l’échelle d’une région, comme l’Occitanie, je constate en effet au quotidien, comme tous les élus locaux de ce pays, que l’on peut avancer ensemble sur de nombreux sujets en écoutant et en respectant l’autre, sans pour autant renoncer à ses convictions et à ses valeurs. Le monde d’aujourd’hui, et je crois celui de demain, doit redonner du sens et une place à chacun par la démocratie et la justice. On le voit, le populisme créé ou encourage le désordre afin de monter les forces sociales les unes contre les autres, pour mieux asseoir sa domination par un pseudo ordre qui n’est en fait qu’un autoritarisme déguisé. Concilier, c’est d’abord dire que « l’autre » n’est pas un ennemi, que l’on peut surmonter ensemble les difficultés. C’est pour moi le défi actuel du pays et au-delà de l’Europe : comment concilier écologie et économie ? concilier social et production ? concilier le travail et l’émancipation de chacun ? concilier notre nécessaire souveraineté et l’ouverture au monde ? Refuser de concilier, c’est faire le jeu de ceux, et notamment de l’extrême droite, qui se complaisent dans cette loi du plus fort qui nous amène doucement mais sûrement vers l’abîme. Concilier, au contraire, c’est rassembler, fédérer autour d’objectifs communs et partagés. C’est cela l’union que nous devons viser, une union sincère et la plus large possible.
Vous croyez encore et toujours à une République de nouveau en commun ?
Je suis une optimiste de nature. Et la gauche doit de nouveau l’être ! Non un optimisme béat et satisfait déconnecté de la réalité, mais en revenant à l’essence même de ce qu’elle est : juste, humaniste, universaliste, porteuse de valeurs positives et progressistes. La gauche doit se réveiller et reprendre le chemin de l’espoir, le seul qui vaille. Nous avons été déjà confrontés dans notre histoire à ce sentiment, terrible, que tout va toujours de plus en plus mal. Face à cela, il n’y a pas d’échappatoire mais du courage, du travail, encore et encore. Une très grande majorité de Français souhaite le changement après huit années de macronisme qui ont abimé la République, le pays et amené l’extrême droite aux portes du pouvoir. Une très grande majorité de Français souhaite que notre pays fasse plus entendre sa voix et ses principes face à ce monde de plus en plus dangereux et injuste.
À nous de proposer une alternative crédible, savoir de nouveau parler aux Français et obtenir leur confiance par des actes concrets. Au fond, la gauche est au pied du mur. Elle doit s’extraire du bourbier politicien actuel, pour se redonner un horizon, être à la hauteur des enjeux et de son histoire. C’est le sens même des rencontres de Bram : unir dans la diversité, réfléchir collectivement, agir avec des principes clairs. Je le crois : sur le chemin de la reconquête et de l’audace, Bram est une étape incontournable.