Articles

ArcelorMittal ne doit plus avoir droit de vie et de mort sur l’industrie et les emplois dans notre pays

Publié le 24 avril 2025
Partager
ArcelorMittal
Partager

Comme Florange en 2012, le énième plan social d’ArcelorMittal, avec la suppression de 630 emplois dans le Nord de la France et près de 1 500 dans l’Union européenne, révèle les défaillances du politique face aux enjeux de souverainetés industrielles et énergétiques. La France et l’Europe doivent reprendre en main ces sujets pour éviter une délocalisation massive des emplois de production et de services.

Ce fut l’image de la campagne présidentielle en 2012. Un matin de février dans la grisaille mosellane, François Hollande se hissait sur la camionnette de la CFDT au milieu des « métallos » en gilet orange fluo de l’unité Arcelor-Mittal de Florange confrontés à un plan social décidé à l’autre bout du monde.

La fermeture du haut-fourneau répandait un traumatisme bien au-delà des vallées lorraines de la rouille, tant cette région fut le symbole de « la France des usines ».

Florange n’était que le révélateur de la concurrence malsaine instaurée par des financiers manipulant le matin les cours de bourse et le soir les effectifs d’ouvriers pour toujours plus de profit, au détriment de l’humain. Florange illustrait la défaite des capitaines d’industrie face à la libéralisation débridée des échanges et des flux financiers. Florange consacrait la perte de souveraineté industrielle de la France et de l’Europe en même temps que la défaite des droits sociaux et la victoire du droit à polluer ailleurs sur la planète.

En 2022, comme beaucoup de bassins industriels victimes de ces délocalisations à marche forcée, Florange basculait dans le vote du dépit et du désespoir en envoyant un député d’extrême droite à l’Assemblée nationale. Comme si la gauche, notre gauche, ne savait plus parler, dans le Nord, la Lorraine, les Cévennes à cette France des usines déprimée en regardant les cheminées qui ne fument plus.

Florange n’était que le révélateur de la concurrence malsaine instaurée par des financiers manipulant le matin les cours de bourse et le soir les effectifs d’ouvriers pour toujours plus de profit, au détriment de l’humain.
Carole Delga

En 2025, Mittal franchit une nouvelle étape en transférant les «  fonctions support » des usines du Nord – l’autre bastion sidérurgique – vers des pays où la main d’œuvre coûte moins cher comme l’Inde. 630 salariés sur le carreau et combien chez les sous-traitants, dans le commerce local ? Les délocalisations gagnent le secteur des services. Les ouvriers et les élus des Hauts-de-France ont de bonnes raisons de s’interroger avec angoisse sur les promesses d’investissements d’ArcelorMittal pour maintenir l’activité sidérurgique dans la région…

Ce nouveau traumatisme ArcelorMittal est aussi le symptôme de la chute d’investissements dans les infrastructures et les équipements sur le continent européen. Les commandes d’acier aux entreprises européennes ont baissé de 20% depuis cinq ans, le reste du monde étant alimenté par la production chinoise et indienne, ignorant tout respect des droits sociaux et normes environnementales les plus élémentaires. La crise de la métallurgie européenne découle aussi de l’entreprise de déstabilisation de l’UE enclenchée par Vladimir Poutine : l’offensive en Ukraine a déstabilisé les cours des matières premières et provoqué une inflation mortifère pour l’économie de l’Union européenne.

Confrontés à la remontée des taux d’intérêt, à des trésoreries en souffrance, les entreprises, les Etats, les collectivités locales ont été contraints de serrer leurs investissements. Pourtant la France comme quasiment tous les pays de l’UE doit poser des rails, pour décarboner les transports, pour mieux relier les métropoles, pour désenclaver des territoires… Nous devons construire logements pour héberger décemment 6 millions d’habitants, nous devons prévoir  des tuyaux d’eau pour affronter les sécheresses, ériger des digues pour se protéger des crues, fabriquer des vaccins et des médicaments… Des équipements construits à la sortie des 30 glorieuses doivent être rénovés ou renouvelés.

Les plans sociaux d’ArcelorMittal procèdent aussi d’une série de défaillances politiques.

Avons-nous planifié à l’échelle nationale et européenne de grands travaux d’infrastructures ?

Avons-nous défini de vrais programmes de décarbonation de nos industries lourdes ?

Avons-nous investissements insuffisants pour tendre à la souveraineté énergétique, mère des batailles, pour garder nos industries ?

Avons-nous protégé nos emplois dans l’industrie, l’agriculture et aussi les services en exigeant des produits et biens importés des normes sociales et écologiques conformes à nos standards français et européens ?

Avons-nous montré la fermeté nécessaire face à Poutine qui ne connaît que le rapport de force ?

ArcelorMittal ne doit plus avoir droit de vie et de mort sur l’industrie et les emplois dans notre pays.

Le politique doit reprendre la main pour planifier et protéger, pour garantir nos souverainetés énergétiques, alimentaires, sanitaires, pour définir avec ambition des équipements qui décarboneront nos activités et apporteront du progrès dans tous les territoires. Sans cette ambition qui doit figurer demain au cœur d’un programme de gauche, nous ne rendrons pas espoir à nos concitoyens.

Carole Delga